« L’architecture est la victoire de l’homme sur l’irrationnel », autrement dit, elle doit être telle un langage universel, disait l’architecte espagnol Ricardo Bofill. Il s’est éteint à Barcelone le 14 janvier dernier à l’âge de 82 ans des suites de complications liées au Covid-19.
Ricardo Bofill est né en 1939 à Barcelone, d’un père architecte catalan et d’une mère vénitienne. À 18 ans, il intègre l’Ecole d’architecture de la capitale catalane mais il en est renvoyé pour anti-franquisme. Architecte de gauche comme il aimait à le dire, il fait alors partie avec d’autres jeunes intellectuels (architectes, sociologues, ingénieurs, écrivains, cinéastes…) d’un groupe baptisé la « Gauche divine ». « Viré », il part alors pour la Suisse afin de poursuivre ses études. Puis il revient dans sa ville de cœur pour monter son cabinet, le « Ricardo Bofill Taller de Arquitectura (RBTA) », en 1963. Dix ans lui suffiront pour se faire connaitre à l’échelon international.
Au fil des années, comme Norman Foster ou Jean Nouvel, il s’impose parmi ceux que l’on appelle les « architectes-stars ». Ricardo Bofill créé alors des antennes à Paris, à New York, à Tokyo, à Pékin. Adepte du nomadisme, il accumule les commandes et les succès à travers le monde. Il a signé plus de 1 000 projets. Des constructions – notamment de grands ensembles d’habitat social (HLM)-, qui ont ce « pouvoir » de se démarquer du paysage environnant tout en s’y insérant afin de répondre aux besoins territoriaux, disent ces adeptes.
« Je crois savoir faire deux choses : […] concevoir des villes […] et tenter d’inventer des langages architectoniques différents et ne jamais les répéter », confiait Ricardo Bofill en juin dernier lors d’une conférence à Barcelone. Un rejet de la répétition qui lui faisait aimer Antonio Gaudí, Catalan comme lui. Il disait de Gaudi qu’il était le « plus grand génie de l’histoire » que « jamais, il ne répétait deux éléments ou formes ». Pour concevoir ses projets, Ricardo Bofill s’est inspiré de la Renaissance, des architectes français des XVIIe et XVIIIe, mais aussi de ses très nombreux voyages. Récompensé par de nombreux prix d’architecture internationaux, il était notamment officier de l’ordre des Arts et des Lettres français.
Architecte de L’Arsenal
En 1985, c’est à Ricardo Bofill que la Ville de Metz choisit de confier la transformation de l’arsenal militaire en une salle de spectacle. L’architecte sera d’ailleurs présent à Metz, lors de la pose de la première pierre, aux côtés de Jean-Marie Rausch, alors maire de la ville, en 1987. La construction de l’édifice prendra 2 ans, le site ayant été inauguré en 1989, en présence, tout le monde s’en souvient encore, du violoncelliste Rostropovitch. Depuis, L’Arsenal a su s’imposer comme l’un des lieux emblématiques de la culture à l’échelon national. Une reconnaissance dont Ricardo Bofill est assurément l’un des grands artisans, l’architecte ayant réussi à concevoir un lieu qui se distingue par son harmonie, mêlant histoire et touches contemporaines, espaces et intimité chaleureuse. Quant à la Grande Salle, nul besoin d’en faire ici l’éloge tant elle est reconnue et saluée pour la qualité de son acoustique. « Nous n’avons pas voulu faire une salle polyvalente mais un instrument comme un violon, un temple où les exécutants sont au centre de l’espace et du public, et celui-ci reçoit de partout la musique ; un lieu de communion entre tous les assistants », confiait Ricardo Bofill dans les pages du journal Le Monde, le 28 février 1989, deux jours après l’inauguration de l’édifice. « Inauguration de L’Arsenal à Metz : Rostropovitch exalte Bofill », avait pour titre l’article.
