Joseph Stoebener, mieux connu sous le pseudonyme de Sepp, a été un homme dont la réputation d’ennemi public s’est forgée dès la fin des années 1950. Ancien inspecteur de police, Paul Nicolas lui a consacré une biographie, mêlant la rigueur de l’enquêteur et nuances personnelles sur la dualité d’un personnage complexe, légende criminelle régionale et père de famille aimant, illustrant le défi de narrer la vie d’un homme au passé aussi tumultueux que captivant. Entretien avec l’auteur.
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire sur Joseph Stoebener, alias Sepp, et à quel moment avez-vous décidé que son histoire méritait d’être racontée dans un livre ?
Ma motivation remonte à 2012, lorsque j’étais en train de boucler un manuscrit consacré à quelques anecdotes et affaires qui ont émaillé ma carrière. (Ma vie de flic, des Trois-Boulangers aux Renseignements généraux (Éditions Serpenoise, Metz, 2013). Bien que n’ayant jamais croisé le chemin de Joseph Stoebener (connu dans le milieu sous le nom de Sepp) lorsque j’étais affecté au commissariat des Trois-Boulangers à Metz, je n’ignorais pas la nature de ses « exploits » perpétrés dès 1950, et que la presse régionale, en particulier Le Républicain Lorrain, relatait abondamment, le qualifiant d’ennemi public n°1 !
Pouvez-vous nous parler du processus de recherche derrière la rédaction de votre livre ? Comment avez-vous recueilli les témoignages et les informations ?
En 2021, un heureux concours de circonstance me permis d’entrer en contact avec Audrey Stoebener, la fille de Sepp, qui souhaitait se confier, me demandant si j’acceptais de retracer la vie de son père, décédé un an auparavant à l’âge de 87 ans. Un peu surpris, j’acceptais finalement. Et c’est ainsi qu’une nouvelle aventure humaine débuta pour narrer La saga de la bande à Sepp, sur la base des confidences d’une personne vouant à son père une admiration sans borne, malgré l’opprobre et la réputation peu flatteuse qui s’abattaient sur la famille à chacun de ses méfaits. Et d’entreprendre en parallèle des recherches auprès de diverses sources archivistiques.
Ayant été inspecteur de police, comment votre propre expérience a-t-elle influencé votre manière de raconter l’histoire de la bande à Sepp ?
Comme une enquête policière bien ficelée, avec méthodologie. Mais dans le cas présent avec plus de liberté et moins de contraintes sur le plan procédural. Une fois le métier mis sur l’ouvrage, c’était comme dérouler une pelote de laine, avec le plaisir de découvrir et d’aller de découverte en découverte jusqu’à l’aboutissement d’un projet que je réussissais enfin à accomplir.
Comment avez-vous abordé la tâche de brosser le portrait d’un homme qui était à la fois un criminel redouté et un père aimant selon sa fille ?
Il me fallait jongler avec la dualité d’un personnage adulé par beaucoup, sa fille Audrey, sa famille et quelques comparses ; mais, en revanche, craint et redouté de la population qui découvrait dans Le Républicain Lorrain ses actions d’éclat. Traqué maintes fois par les services de police messins, ces derniers reconnurent en lui une double personnalité. « Un être orgueilleux, mais aussi un homme qui aimait les enfants et le animaux », diront-ils, aussi surprenant soit-il, à son procès aux assises de la Moselle en 1965, répondant à une question de Me Floriot, son défenseur…
Comment avez-vous navigué entre l’intérêt pour le personnage de Sepp et la condamnation de ses actes criminels ?
Sepp était un personnage qui impressionnait eu égard à son palmarès combien éloquent. Un profil à la fois pertinent et passionnant pour s’intéresser à cet homme auréolé d’une légende qui s’était créée autour de lui.
Vous mentionnez avoir envisagé de rencontrer Sepp. Si vous aviez eu cette opportunité, quelles questions auriez-vous aimé lui poser ?
Toutes sortes de questions m’auraient bien sûr intéressé : son statut de chef de bande, son passage chez les Bat’d’Af, ses contacts avec le clan des Fourneau, les assassins Buffet et Bontens qu’il avait côtoyés à Clairvaux, son évasion d’Écrouves, le code d’honneur entre le milieu et la police ? Si ce passionné d’armes en détenait encore, ses relations avec le milieu et s’il ne regrettait pas sincèrement ce passé criminel qui l’a privé de sa famille des années durant ?
Parlez-nous du contexte historique et social de l’époque dans la compréhension des agissements de Sepp ?
Né en 1933, Sepp a grandi dans une famille nombreuse issue de la communauté des gens du voyage sédentarisés. Livré à lui-même dès son plus jeune âge, comme d’autres gamins des quartiers populaires de Metz, il se manifesta très tôt en constituant une bande de mauvais garçons.
Quel rôle les médias ont-ils joué dans la construction de la légende de Sepp, selon vos recherches et observations ?
Il ne fait aucun doute que les médias de l’époque ont fortement contribué à forger la réputation de Sepp. Une époque, sans réseaux sociaux, où la presse écrite était particulièrement lue et où le lecteur, friand de faits divers, savourait avec délectation les articles savamment distillés avec des titres racoleurs. Propos recueillis par Elias Mari
La Saga de la bande à Sepp, par Paul Nicolas
Indola Éditions, 46 pages, 15€
Paul Nicolas dédicacera sur le salon du Livre à Metz du 19 au 21 avril et à la librairie Hisler à Metz le 27 avril
Commande de l’ouvrage au 06 10 72 17 39