Populaire présentatrice et journaliste des chaînes du groupe RTL, puis de Mirabelle TV, Marylène Bergmann a baladé durant sa carrière de 42 ans une image réductrice, celle de l’ex Miss Lorraine, belle, sémillante, pétillante, bosseuse et adulée par les téléspectateurs. Son récent recueil de poèmes et peintures, et une conversation avec elle, révèlent bien plus : une femme profonde, sensible, libre, philosophe, vivement attachée à une éthique dans les turbulents métiers de l’information. Sur ces années de bonheurs et de blessures, de stress créateur ou dévastateur, elle se confie avec une splendide franchise.
«Je n’étais pas du tout faite pour ça ». Et pourtant, pendant près d’un demi-siècle, Marylène Bergmann est à l’antenne et s’affiche comme l’un des visages centraux des chaînes RTL Télévision, RTL-TVI Belgique, RTL 9, M6 et Mirabelle TV (l’ancien nom de Moselle TV), très populaire en Belgique, au Luxembourg et dans l’Est de la France. C’est Jacques Navadic, pionnier de Télé Luxembourg, rédacteur en chef puis directeur des programmes, qui l’embarque pour une traversée dont elle n’imagine alors rien de la durée. Timide élève au lycée Margueritte de Verdun, sa ville natale, elle reçoit des commentaires qui n’augurent rien d’un avenir télévisuel : « Mes professeurs écrivaient toujours sur les bulletins de fin d’année que j’aurais un gros handicap dans la vie car j’avais du mal à l’expression orale ». 1976, elle a décroché un an plus tôt le bac et le titre de Miss Lorraine, elle a 18 ans et cherche des petits boulots, sa maman lui signale que Jacques Navadic dédicace son livre à Verdun. « Il a tilté sur moi, pas dans le genre dragueur, c’était plutôt le genre papa. Et il m’écrit une très belle dédicace, que j’ai conservée : « À Marylène Bergmann qui eut été Miss France si le jury avait eu bon goût » ».
Il lui demande ses coordonnées, elle laisse le numéro de la voisine, « car on n’avait pas le téléphone à l’époque », ils s’écrivent régulièrement, et là voilà dans les petits papiers du patron de RTL. Fin 1977, premier direct à Télé Luxembourg. Elle en garde un souvenir pour ainsi dire effroyable : « Quand on me l’a annoncé, j’étais retournée dans un lycée technique pour suivre des études de sténo-dactylo. Je suis donc partie faire ce direct de speakerine, je n’avais pas beaucoup de fringues, j’avais piqué celles de ma maman. Jacques Navadic me dit « quand la petite lumière rouge s’allume, c’est à toi ». J’ai cru mourir. Je ne sais plus comment j’ai fait mon annonce mais je me souviens que mon père avait fermé la télé tellement il voyait ma poitrine et les battements du cœur ».
Premières télés et assez vite premières critiques. « On me trouve trop ronde, avec la voix mal posée. Mais les gens m’aimaient bien et je ne le savais pas ». Ils vont lui confirmer de façon magistrale. Marylène Bergmann suit le conseil de Jacques Navadic et participe à un concours international organisé par la chaîne et le magazine Télé Star, avec pour jurés Michel Drucker et quelques vedettes du petit écran. Au vote du jury s’ajoute celui du public, s’exprimant par cartes postales. La jeune Meusienne s’impose dans les deux consultations, avec « un vote stalinien, 75%, pour celui du public. Ça a été une révélation pour moi. Le fait de recevoir tout cet amour m’a transformée ». Jamais, elle n’a renié ce public ni pris des pincettes pour évoquer sa popularité. Elle aime franchement les gens. Deux émissions notamment confirmeront la relation particulière de Marylène Bergmann avec le public : Citron grenadine et le Train des jouets : « On m’en parle encore aujourd’hui. Le train sillonnait la Belgique, le Luxembourg et la Lorraine, avec toute l’équipe technique, c’était magique. Qu’on arrive à 8h du matin ou 8h du soir, il y avait des milliers de gens. C’était de la folie. Si je ne devais retenir qu’une seule chose de toute ma carrière, c’est ce lien qui s’est créé entre les gens et moi, un lien qui n’est pas futile. Je recevais par exemple beaucoup de lettres de prisonniers et de gens seuls, et si je toussais le soir pendant une annonce, des téléspectateurs appelaient le standard pour me donner le nom d’un sirop ».
Après une série de programmes de divertissement, elle présente des émissions d’information, sur une plus longue période, de 1990 à 2019, dont le journal télévisé, des éditions spéciales à l’étranger, des émissions de société ou « talk-show de proximité », puis à Mirabelle TV « un 26 minutes d’entretiens intimistes puis un 52 minutes sur l’histoire ». 47 ans après ses débuts, elle décrypte, sans jugement hâtif, sans idéaliser la télé d’avant ni snober l’actuelle, les évolutions : les grandes tendances, « moins de directs, moins conviviale » ; et des aspects plus anecdotiques : « Quand j’ai commencé, on devait avoir un phrasé bon chic, bon genre, et si on faisait une faute de français, on était convoqués au bureau ». Elle pose un regard plus incisif sur les programmes d’infos : « J’ai adoré devenir journaliste mais quand j’ai présenté le JT, c’était une grande souffrance, c’était du stress en intraveineuse. Et puis je n’avais pas fait une école de journalisme et certains ne me le pardonnaient pas et ne me facilitaient pas la vie. Mais d’autres m’ont aidée. Aujourd’hui, je m’informe au moins une fois par jour, je regarde C dans l’air qui traite l’information avec intelligence et sans agressivité. Je ne supporte pas les journalistes qui sont là comme des pitbulls et essaient de faire dire quelque chose à leur invité juste pour le buzz. Mais il y en a bien sûr d’excellents ; je pense à Caroline Roux ou à Jean-Marie Cavada. Il avait de la classe, une déontologie et une délicatesse, ce qui ne l’empêchait pas de poser les bonnes questions ». La retraite de Marylène Bergmann a sonné comme une libération : « Je me suis libérée d’un poids énorme ». Et loin du tohu-bohu, elle goûte désormais « au luxe d’avoir le temps » de rencontrer « les gens que j’aime », de s’occuper de ses chats, partir en un instant, voyager, visiter, vivre sa « foi du charbonnier », écrire et peindre.
Un livre, un souffle d’espoir

Marylène Bergmann, même au cœur de ses années télés, n’a jamais caché son goût pour la sérénité, expliquant son envie de fuir Paris, à peine installée en première speakerine de la jeune chaîne M6, en 1987 : « À Paris, je déprimais et je ne rêvais que de rentrer au Luxembourg ». Retraitée depuis 2019, elle vit aujourd’hui dans un village du Pays messin, sur un autre rythme, plus paisible et silencieux, plus propice aux songes, aux utopies, aux rêveries et aux réflexions philosophiques. Après un roman pour enfants, en 2011, elle vient de publier aux éditions Andersen, Émotions, un recueil de poésies et peintures. Par une très belle écriture, épurée, et de vives couleurs, nous sommes conviés à entrer dans son univers littéraire, constellé de saveurs et de couleurs, de sentiments, de regards, de leçons de vie, et à mener à ses côtés une quête de paix intérieure. « (…) Certains de mes textes – écrit Marylène Bergmann dans son avant-propos – sont moins légers que d’autres, ils touchent des points sensibles, effleurant des blessures du passé. D’autres évoquent simplement des joies enfantines, des plaisirs bucoliques ou gourmands. Bref, ce qui fait la vie quand on la savoure pleinement. Mais tous, même les plus sombres, sont éclairés par un souffle d’espoir (…) ». Son préfacier et éditeur, Olivier Larizza, complète délicatement ainsi : « (…) C’est l’histoire d’une petite fleur qui pousse, comme le muguet au mois de mai, sur la terre d’un des plus grands carnages de l’Humanité [Marylène Bergmann est née à Verdun, ndlr] et qui l’illuminera de son amour, de sa bienveillance, de sa foi en la vie (…) ».