Fondateur et dirigeant d’une société spécialisée dans l’organisation d’événements et l’accompagnement d’entreprises, d’institutions et de personnalités dans leur stratégie de communication et d’influence, Guy Keckhut tranche avec les manières bling-bling d’un univers souvent superficiel. Il aime remonter à la source, aller à l’essentiel : pour lui, la communication représente d’abord une affaire de femmes, d’hommes, d’idées, d’échanges… et de temps. Directeur des partenariats et du développement du CNAM Grand Est – Conservatoire national des arts et métiers – pendant plus de quinze ans, il fonde en janvier 2020 son entreprise #GuyKeckhut Communications. Parallèlement, cet homme des frontières, Strasbourgeois d’enfance et Mosellan d’adoption, donne du temps et livre son expertise et son expérience à divers réseaux, dont l’Institut de la Grande Région (IGR) ou le Club Metz Eurométropole.
Guy Keckhut, plus qu’une entreprise, est une saga intime, faite d’engrenages et de franchissements : l’histoire d’un enfant roulant à vélo par-delà la frontière, attrapant le goût des ailleurs et des autres ; celle d’un petit-fils ému par le parcours de son grand-père Malgré-nous, le menant vers une quête de savoirs permanente ; celle du bon élève, « premier de tous les petits-enfants à avoir le bac et à faire des études », préférant plus tard interpréter à sa sauce, voire bousculer les leçons et schémas préétablis. « Gamin, j’adorais traverser la frontière, j’habitais à 800 mètres de l’Allemagne et à l’époque il y avait encore des barrières et des douaniers. C’était un vrai défi pour moi. Avec mon petit vélo, j’y allais régulièrement. Le fait de naître tout près de cette frontière a imprimé quelque chose de particulier dans mon ADN, ça m’a rendu ouvert tout de suite et définitivement. Dans mes relations aux autres, j’essaie toujours d’abattre les frontières. Dès qu’il y a un mur quelque part, ça me pose problème, j’ai besoin de passerelles ».
L’histoire de son grand-père, avec lequel il entretenait une relation forte, croise sa balade cycliste et le ramène à sa course aux interrogations et à ses envies d’échappées traversières. Quand il parle aujourd’hui des Malgré-nous (Alsaciens et Mosellans incorporés de force dans l’armée allemande à partir de 1942), il s’étonne de la méconnaissance de ce chapitre, pourtant épais et lourd, du récit de la Deuxième Guerre mondiale. « Mon grand-père n’en parlait pas du tout. En général, il parlait très peu. Je n’ai jamais pu tirer de lui le moindre indice sur cette période ». Le cas n’est pas isolé, beaucoup de ces incorporés de force ont caché leurs blessures après la guerre. « Tout ceci explique mon grand intérêt pour cette période », et plus largement pour l’actualité et les agitations de la planète : « dès l’âge de quinze ans, je découpais des articles de journaux sur ce qu’il se passait au Liban ou en Syrie. Je me rappelle très bien de l’attentat du Drakkar en octobre 1983, alors que je n’avais aucun lien avec cette région. J’ai toujours été très intéressé par les relations internationales, par le monde ».
Il abat aussi le mur des langues : « J’ai appris l’allemand très tôt, à l’école primaire et à la télé ; à la maison, on regardait plus ARD et ZDF que TF1 ou Antenne 2. J’ai une bonne oreille et je me suis donc instruit très vite. J’ai appris aussi l’anglais, j’ai pratiqué un peu l’espagnol, l’italien et le russe, j’ai fait des stages à l’étranger, je voulais toujours partir, c’était quelque chose de naturel. Et j’ai toujours tout fait pour travailler sur des secteurs transfrontaliers ». Ces découvertes, linguistiques, historiques et géographiques, lui ouvrent les portes d’une carrière variée, où la communication siège rapidement en référence centrale. Responsable de communication pour diverses organisations de 1993 à 2011 (Centre de documentation de l’armement, Action régionale pour le développement d’activités nouvelles, CCI de Meurthe-et-Moselle), il intègre ensuite le CNAM – Conservatoire national des arts et métiers – aux missions multiples : « Pour résumer, le CNAM est un grand établissement d’enseignement professionnel supérieur. C’est une institution qui, à toutes les étapes de votre vie professionnelle, vous donne une chance de grandir, de vous épanouir, à travers des formations mais aussi des services dédiés à la diffusion de la culture scientifique ».
Même si beaucoup lui prédisaient un destin de directeur de l’institution régionale, lui a déjà la tête ailleurs, plongée dans un désir de création. Il décide de fonder #GuyKeckhut Communications. « J’aime bien me coltiner des trucs difficiles », dit-il. Ça tombe bien, quelques semaines après l’acte de naissance de son entreprise, le Covid et ses mises en quarantaine percutent ses plans : « En 2020, j’étais plutôt parti sur des activités de conception et animations d’événements, ce que j’adore faire. Avec le Covid, les événements se faisaient rares, sauf quelques webinaires, cela m’a obligé à me recentrer sur des activités de communication. J’ai donc fait de l’accompagnement en stratégie de com, notamment sur le positionnement des entreprises et leur influence. Aujourd’hui, mon activité, c’est 60% d’événements et animations et 40% d’accompagnement de dirigeants et/ou d’institutions pour accroître leur présence et leur influence dans leur écosystème, ceci dans un contexte difficile de multiplication des canaux. Aujourd’hui, il faut surtout se battre contre le trop-vite, qui implique forcément le faire-mal. On sait travailler vite mais je conseille toujours, quand il s’agit d’élaborer une stratégie, de se poser, de prendre le temps. Les choses doivent se faire par étapes, dans une dimension globale, intégrant de nombreux acteurs, dont les salariés et les partenaires. Les autres enjeux consistent à sortir du lot et à mettre en avant les principaux atouts de l’organisation, ceux qui la différencient des autres, là où elle est la meilleure ».
Il analyse forces et faiblesses, conseille et élabore au cas par cas. Pas question de copié-collé, pratique d’autant plus périlleuse quand l’époque s’apparente à un défilé turbulent de bouleversements souvent incontrôlables. D’où son insistance sur l’enjeu d’une réflexion puissante, en amont : « Aujourd’hui, nous devons faire face à une sorte de découragement collectif et au phénomène du zapping. Pourtant, le temps demeure la clé. Aucune cathédrale n’a été construite en trois jours… ».
France, Allemagne, destin commun
Son entreprise rayonne à l’international (Canada, Afrique, Europe), ses activités se déclinent en plusieurs langues (français, allemand, anglais), « mais le cœur est en Grand-Est et le barycentre en Moselle ». Un « département puissant économiquement, où le mot industrie résonne, un département que je connais bien, que j’adore, où je me suis senti tout de suite chez moi ». Guy Keckhut a choisi de le servir à travers des activités citoyennes, par exemple au sein de l’Institut de la Grande Région (IGR), que préside un autre franco-allemand de cœur (et de raison), Roger Cayzelle. Pour Guy Keckhut, l’Europe représente un impératif, « avec un moteur franco-allemand indispensable. Mais il ne faut pas toujours comparer les deux, nous avons simplement un destin commun ». C’est peut-être le 9 novembre 1989 qu’il perçoit avec le plus d’acuité, et d’émotion, ce qui tisse la longue amitié : « Je regardais la 5, j’ai vu que le Mur de Berlin commençait à tomber, j’ai appelé un copain et je lui ai dit : moi je parle allemand, toi t’as une voiture, ce serait bien qu’on aille à Berlin… et nous sommes partis casser le mur. J’ai vu Rostropovitch près du mur bientôt disparu, j’ai participé à un événement dingue. Après la naissance de ma fille, c’est le plus grand jour de ma vie ».