Roger Briesch, Hagondangeois né en 1932, a été au sein de la CFTC puis de la CFDT, un acteur important du syndicalisme lorrain, national puis international. Ancien secrétaire confédéral en charge de l’international, il a aussi siégé au Conseil économique et social européen à Bruxelles dont il en a été le président de 2002 à 2004. À ces titres, il a très souvent été en rapport avec Jacques Delors et nous livre ici son témoignage concernant l’ancien Président de la Commission Européenne qui fut aussi syndicaliste CFDT, militant socialiste et le ministre des Finances de François Mitterrand. Propos recueillis par l’historien Alain Gatti.
À quelle époque et comment avez-vous fait la connaissance de Jacques Delors ?
Ma première rencontre s’est déroulée en 1964 ou 1965. Il était alors l’adjoint au Commissaire au Plan et nous avons initié cette démarche avec Jacques Chérèque dans le cadre du plan professionnel de la Sidérurgie.
Quels traits de sa personnalité ou quelles anecdotes vous ont marqué le concernant ?
Comment définir Jacques Delors ? Tout a été dit ou presque… Ce qui le caractérisait c’était son credo : être utile. Il trouvait là ses racines dans ses origines syndicales, à la CFTC puis à la CFDT, et il a toujours été très fidèle à ses convictions. C’est ce qui explique tout son parcours. En acceptant de rentrer dans le cabinet de Jacques Chaban-Delmas pour la Nouvelle société, puis plus tard, en rejoignant le PS, toutes les responsabilités qu’il a acceptées, exercées ou refusées ont été guidées par la même ligne de conduite : où puis-je être utile…
Pourriez-vous décrire plus en détail le travail accompli par Jacques Delors pour rendre l’Europe plus intégrée et efficace ?
Un petit rappel : Jacques Delors est devenu président de la Commission un peu par défaut. Le poste revenait à la France. Madame Thatcher a mis son veto à la candidature de Claude Cheysson (ministre des Relations extérieures de François Mitterrand), elle n’a pu refuser une seconde fois lorsque Mitterrand a proposé celle de Delors. Il avait déjà un engagement européen très prononcé et il a accepté. On sait ensuite la politique qui a été la sienne, pour sortir du Marché commun, l’acte unique et la construction européenne. Son ambition était la construction d’une Europe politique.
Quelles étaient ses relations avec le mouvement syndical ?
Elles étaient permanentes, de tous temps. Avec la CFDT bien sûr et puis avec la Confédération européenne des syndicats avec laquelle il entretenait de relations très étroites. Lorsqu’il s’agissait de prendre une décision, il privilégiait ses relations à la fois avec le mouvement syndical et avec le Comité économique et social européen sur lequel il comptait beaucoup pour accompagner ses politiques économiques et sociales. Il a été de ce point de vue remarquable et très proche. Je dirai qu’il a toujours été d’abord syndicaliste et il a toujours affirmé qu’il était plus à l’aise avec le mouvement syndical que partout ailleurs. Il n’y avait pas une décision importante quelle qu’elle soit sans qu’elle n’ait été précédée d’une réunion informelle entre Jacques Delors et les dirigeants syndicaux européens. Même si parfois les discussions étaient un peu raides, il venait s’expliquer et échanger.
Quel rôle Jacques Delors a-t-il joué dans la Convention sur l’avenir de l’Europe ?
La Convention a eu lieu après sa présidence. Mais il en est à l’origine. Durant son mandat, il a conduit une ligne visant à passer du Marché commun à des politiques communes en termes industriel, économique et social importantes. Tout ce qui a suivi est directement lié à ces politiques qu’a initié Jacques Delors. Il faut se rappeler que l’Europe était totalement en panne et que c’est lui qui l’a relancée. Je dirai que le processus conventionnel découle de son action et on s’y est référé pour l’engager.
Et sur un plan plus personnel ?
Je dirais qu’au début c’était « je t’aime moi non plus » et je m’autorise à affirmer qu’ensuite nos relations furent très étroites, je peux même dire que j’étais plus ou moins devenu son confident…