Porté par l’association Bouche à Oreille et géré par Fabien Pilard et Julien Rosenberger, deux musiciens bien connus de la scène messine, le studio d’enregistrement L’Autre Oreille a été inauguré en mars dernier à Borny.
C’est le dernier fleuron de Bouche à Oreille (BAO), née en 2005 et installée à Borny depuis fin 2011. Reconnue notamment pour ses actions autour de la Cour du Languedoc ou le projet “Flânerie à Borny” mené de 2015 à 2017, l’association a l’action culturelle chevillée au corps. Qu’elle décline en autant d’initiatives pluridisciplinaires dans différents quartiers de Metz (photo, film, écriture, publications, le camion épicerie-culturelle Tohu-Bahut…), expérimentant passerelles et traits d’union réalisées avec les habitants. « Nous sommes là pour rapprocher la culture des gens, pas l’inverse » précise Gilles Thiam, le président.
En 10 ans de travail sur ces territoires, BAO a repèré des talents dans tous les domaines et monté des spectacles avec les habitants. Mais l’objet musical a toujours pris une place particulière dans son ADN, presque une métaphore lorsqu’on est à l’écoute des autres. « Avec nos petits moyens, on a produit 5 albums collaboratifs avec les habitants entre 2012 et 2017, dans des home studios implantés dans des appartements vacants prêtés par Vivest avant démolition (ndr : anciennement Logiest, le bailleur social), plus une soixantaine de titres avec des pré-ados et ados dans le cadre d’ateliers du dispositif “Fais ton CD”. » Sans compter le collectif “Boeuf sur le toit” autour de 11 interprètes vocaux soutenus par des musiciens professionnels. « On commence à dénicher des instrumentistes, même si on a travaillé avec le joueur de oud Hafid Lahboub qu’on a fait jouer avec Zenouba Lahbabi dans le cadre du festival Passages. »
Si cette « pratique d’amateurs éclairés » a permis à certains de se produire sur le plateau de la BAM, BAO souhait aller plus loin que le repérage de talents. « Pour les accompagner sur les phases d’un enregistrement d’un disque de plusieurs titres. Avec une équipe de professionnels bienveillants, musiciens, arrangeurs et ingénieurs du son. Non pour les formater mais pour rechercher l’identité d’un artiste potentiel. » Tout en brisant le cliché que seul le rap a voix de cité dans les quartiers. Quitte à favoriser les mélanges, avec le raï ou des influences asiatiques par exemple. En valorisant la richesse de la diversité culturelle des quartiers. Ce n’est pas pour rien que le parrain de ce nouveau studio professionnel est Amazigh Kateb, chanteur de Gnawa Diffusion, parfait exemple de la mixité musicale.
Situé boulevard de Guyenne, L’Autre Oreille a commencé son activité en avril dernier. Imaginé dès 2018 et conçu pour apporter une complémentarité aux studios de répétition de la BAM, il a été financé sans argent public, avec l’aide de fonds de dotation (Alinov). Approchés par BAO en 2018 pour être les prestataires techniques, le studio a été équipé par le matériel de Fabien Pilard et Julien Rosenberger. Deux musiciens/ingénieurs du son qui œuvraient auparavant au studio L’Usine à Thionville. Dont ils ont récupéré le matériel. « Mais on a investi 10 000€ supplémentaires et réalisé le traitement acoustique, » précisent-ils de concert. « C’est une forme de partenariat. »
C’est désormais le deuxième plus gros studio du Grand Est. Il est ouvert à tous mais avec une spécificité d’accueil pour les habitants auxquels des fonds sont dédiés. Ce qui a séduit Fabien et Julien. « Une aventure humaine enrichissante. L’enregistrement prend un autre sens au travers de ces actions. Sans compter parfois la prise de son d’instruments que l’on méconnait, nous qui étions assez spécialisés dans le rock à L’Usine. » Ainsi enregistreront-ils bientôt l’ensemble syrien Ya Lil (vu dans le cadre de “Bim Bam Boum Voilà l’été” le 4 juillet à la BAM). Le cahier de réservation se remplit peu à peu. Gageons que la mention “enregistré à L’Autre Oreille” sera bientôt inscrite sur nombre de pochettes.