Le Conseil de Développement Durable de l’Eurométropole de Metz (Codev) s’est penché sur la mobilité des frontaliers habitant le territoire. Enseignements avec Jean-Claude Moretti, son président.
Lors de votre nomination à la présidence du Codev vous avez veillé à ce que sa composition soit paritaire, que toutes les tranches d’âges soient représentées et que ses membres soient issus de l’ensemble des communes de l’Eurométropole de Metz. Mais vous avez aussi tenu à conforter la présence des frontaliers au sein du Conseil. Pourquoi ?
Parce que trop souvent lorsque l’on évoque le fait frontalier, on le résume au transport et à la mobilité. Or cela va bien au-delà. Aujourd’hui, environ 10 000 frontaliers (auxquels s’ajoutent leur famille) vivent sur le territoire métropolitain. La moitié à Metz et l’autre moitié dans les communes environnantes et c’est d’ailleurs dans ces dernières que les « effectifs » progressent le plus. Cela fait déjà du monde et si on se fie aux prévisions luxembourgeoises en matière d’emploi, le nombre de frontaliers va encore progresser de 30 à 40 %, sur le territoire de l’Eurométropole. Face à ces réalités et aux enjeux qu’elles soulèvent l’Eurométropole entend affirmer sa vocation transfrontalière et s’investir pour conforter une communauté Lorraine Nord. Le fait frontalier ne concerne pas uniquement les communes proches de la frontière.
Le Codev a consacré une enquête au phénomène transfrontalier, publiée en 2020 (disponible en ligne via le site internet de l’Eurométropole de Metz, ndlr). Quelles sont les préoccupations des frontaliers que le territoire se doit de prendre en considération ?
La mobilité en est une puisqu’ils passent en moyenne trois heures par jour dans les déplacements, ce qui pose la question du rapport au temps. Compte tenu de leurs horaires, il importe de s’interroger sur les heures d’ouverture des services publics ou des commerces, sur la localisation d’une crèche ou d’un arrêt de bus. Dans un autre registre, le pouvoir d’achat des frontaliers est globalement supérieur aux salariés qui travaillent localement, ce qui a pour effet de soutenir les prix de l’immobilier. Cela génère des difficultés d’accès au logement pour une partie de la population dans certains quartiers. Là encore, cela implique des réponses de la part de la collectivité.
Quels sont les leviers dont dispose l’Eurométropole de Metz pour améliorer la mobilité ?
Les déplacements sont compliqués avec des trains bondés et une autoroute saturée aux heures de pointe. Des projets sont lancés pour améliorer la situation mais on sait que cela prendra du temps. L’Eurométropole de Metz n’a pas la main sur ces dossiers même si elle est associée aux réflexions. En revanche, elle agit à l’échelon de son territoire pour faciliter les déplacements des frontaliers ou en tout cas, leur offrir des alternatives efficientes. Dans l’étude évoquée précédemment, il est indiqué que sur les 5 797 habitants de Metz Métropole qui travaillaient au Grand-Duché de Luxembourg en 2016, 65 % utilisaient un véhicule automobile et 35 % les transports en commun. Un tiers qui utilise le TER, c’est bien puisqu’ils ne sont que 10 à 12 % pour l’ensemble des frontaliers lorrains. Comment en convaincre davantage ? Garantir au frontalier qui vient à la gare en vélo qu’il aura une place pour le garer à proximité ou à celui qui revient du Luxembourg en TER, dans la soirée, qu’il aura un bus pour rentrer chez lui, dans son quartier ou sa commune toute proche, c’est déjà aller dans la bonne direction. Décaler un peu la fermeture d’une crèche peut, peut-être, suffire à ce que des frontaliers qui circulent chacun seul à bord de leur voiture, puissent covoiturer en mettant à profit le temps supplémentaire dont ils disposent. Il ne s’agit pas de faire du sur-mesure pour chaque cas, de tout bouleverser, mais d’agir avec intelligence au bénéfice de la qualité de vie des frontaliers et des habitants, du territoire et de son attractivité mais aussi de l’environnement ce qui est fondamental comme chacun le sait.
Avez-vous le sentiment que l’Eurométropole assume, aujourd’hui, davantage sa vocation transfrontalière ?
Très clairement. Et elle ne fait pas que l’assumer, elle agit dans le domaine de la mobilité mais également en matière d’emploi, de santé ou de famille… La montée en puissance de la Maison du Luxembourg, en est un exemple parmi beaucoup d’autres. Les relations avec les communes et collectivités du nord lorrain mais aussi avec le Luxembourg se sont également renforcées et des projets communs émergent dans des domaines comme la culture ou la formation, par exemple.
Le Codev c’est quoi ?
Le Conseil de Développement Durable de l’Eurométropole de Metz (Codev) compte 96 membres en l’occurrence, 32 habitants, 48 représentants de différents secteurs d’activité (acteurs du cadre de vie, de l’économie, de l’enseignement supérieur, de l’innovation, de l’économie sociale et solidaire…) et 16 personnes choisies pour leur domaine particulier d’expertise. En tant qu’instance de démocratie participative, il intervient soit sur saisine du Président, pour travailler sur un sujet identifié, soit sur auto-saisine afin d’étudier un sujet qui lui semble pertinent d’aborder pour interpeller les pouvoirs publics.