À l’issue d’un processus très démocratique et apaisé, après plusieurs semaines de discussions entre le Parti chrétien social – le CSV de Jean-Claude Juncker – et le Parti démocratique libéral, le DP, dirigé par le ministre sortant Xavier Bettel, un nouveau programme de gouvernement a été établi au Luxembourg.
Ce programme a été adopté par la Chambre des députés. Un gouvernement de quinze ministres sera chargé de l’appliquer, sous la direction de Luc Frieden. Xavier Bettel, son prédécesseur, deviendra ministre des Affaires étrangères, en charge également de la Grande Région transfrontalière.
Il n’est pas interdit de penser que, dans un premier temps au moins, tout en restant profondément européen, le gouvernement Frieden va pencher plus à droite que le gouvernement précédent, avec les Verts et surtout les Socialistes basculant dans l’opposition. La baisse des impôts est d’ailleurs la première annonce faite par le Premier ministre, et elle devrait s’accompagner d’une politique de rigueur budgétaire.
La nouvelle équipe va-t-elle développer une politique affirmée dans le domaine des relations transfrontalières ? Rien ne permet de répondre à cette question aujourd’hui, mais aucune hypothèse n’est exclue. Certes, la problématique transfrontalière a été assez absente des débats pendant la campagne électorale et le programme gouvernemental reste évasif sur le sujet. Mais il ne faut préjuger de rien. Plusieurs membres du nouveau gouvernement, à l’exemple de Georges Mischo, l’ancien maire d’Esch/Alzette, entretiennent d’excellentes relations avec les élus lorrains. En outre, Luc Frieden est profondément européen. Au cours de sa campagne, il a plusieurs fois indiqué, dans un cadre privé, qu’il était préoccupé par la problématique des relations entre le Grand-Duché et ses voisins.
Les enjeux économiques et sociaux de la relation transfrontalière sont en effet considérables. Le développement économique du Luxembourg profite certes à la Lorraine. Il produit des emplois que notre région n’aurait pas créés, il évite que la fuite des jeunes Lorrains ne s’accentue vers d’autres régions françaises ou européennes, et il régénère la population : non seulement un certain nombre de Lorrains ont choisi de ne pas quitter la région pour aller travailler au Grand-Duché, mais de nouveaux arrivants, issus d’autres régions françaises ou internationales, rejoignent la Lorraine parce qu’ils ont trouvé un emploi au Grand-Duché.
Mais dans le même temps, le développement économique luxembourgeois génère aussi des déséquilibres économiques et sociaux dans les territoires périphériques. L’accentuation des pénuries d’emploi et les difficultés d’accès au logement sur le territoire lorrain pour les catégories les plus défavorisées en font partie. S’attaquer à ces questions essentielles n’est pas facile, tant cela demande des réponses nuancées et non simplistes. Un travail de dentelle débouchant sur une véritable stratégie de coopération reste à construire patiemment.
Seul l’avenir nous dira si de nouvelles avancées sont possibles autour de projets véritablement partagés.