Le vendredi 27 octobre 2000, le point 16 du conseil municipal prévoit l’attribution du nom de Chanoine Martin, ancien curé de Sainte-Thérèse, à la place située face à l’ancienne brasserie Amos. Ceci donne lieu à une longue et ubuesque discussion sur le « pont Amos »… Dénomination qui n’existe pas officiellement, son appellation de l’époque étant pont Saint-Clément !
Au Sablon, le pont reliant la « rue Mangin » à la « rue aux Arènes » s’appelait à l’origine « Pont Saint-Clément », pour honorer l’ancienne abbaye Saint-Clément présente à cet endroit jusqu’en 1552. Plus tard, début XXe, la brasserie Amos fut implantée rue Mangin et y resta jusqu’à sa destruction en 1998. Dans l’intervalle, une rue et une place « Saint-Clément » furent dénommées en mai 1976 au Pontiffroy autour de l’église éponyme, à l’occasion de la création de ce nouveau quartier. Une confusion s’est donc instaurée au sujet du nom de Saint-Clément, présent au Sablon et au Pontiffroy, alors qu’Amos ne jouissait d’aucune reconnaissance officielle. Pour ajouter à la complication, le Maire propose ce soir d’octobre 2000 la dénomination de « square du chanoine Martin » à l’espace situé devant l’ancienne brasserie Amos. De quoi déclencher une discussion surréaliste !
Véronique Roederer, conseillère d’opposition, allume la mèche : « Monsieur le Maire, ce square en Nouvelle-Ville est une grande réussite ! Il faut le dire ! Et moi, je félicite les services qui l’ont réalisé, en particulier les espaces verts. Cela change la face du quartier, les riverains sont extrêmement contents… C’est une très belle réalisation. Mais alors là, on tombe des nues, et j’en ai parlé à quelques personnes… Je veux dire, tout le monde donne le nom : square Amos ! En plus, c’est tellement justifié, puisque c’était la Brasserie Amos, qu’il y a eu beaucoup de brasseries à Metz, et qu’il y en n’a plus !… Alors certainement, c’est intéressant de lire la biographie de ce chanoine, il faut certainement mettre son nom ailleurs. Mais en tout cas, pas là ! Vous ne pouvez pas imaginer que les enfants vont dire : « on va jouer au Square du chanoine Martin » ! C’est le quartier Amos ! C’est le square Amos ! C’était la brasserie Amos ! Là, je veux dire, on tombe tout à fait des nues !… Je suggère, si l’on veut absolument donner le nom du Chanoine Martin, et je le répète sa biographie est intéressante, c’est par exemple, près de la Place Philippe de Vigneulles, il y a un petit triangle qui pourrait peut-être s’appeler ainsi, à côté de Sainte-Thérèse, donc justifié. On pourrait peut-être l’appeler Chanoine Martin ? »
Ce à quoi le Maire répondit non sans malice : « Vous savez, le triangle du Chanoine Martin, cela fait un peu franc-maçon quand même. Non ? »
Messieurs Gros et Darbois tentèrent de venir en appui de leur collègue Roederer, en vain. Même la conseillère Marie Judlin (ancienne adjointe passée dans l’opposition en 1989) essaya de sensibiliser le Maire par de vieux souvenirs : « Je suis vraiment ravie de l’état d’esprit que vous manifestez à mon égard, mais je voulais vous dire que nous avons été tous les deux, et ce sont de vieux souvenirs, des paroissiens de Sainte-Thérèse. Je pense qu’il faudrait trouver un lieu plus proche de l’église Sainte-Thérèse pour le chanoine Martin ».
Le Maire resta planté sur sa position, se prenant par la même occasion les pieds dans le tapis : « Et bien, je ne pense pas comme vous, je vais vous dire pourquoi. Parce que c’était vraiment un grand bonhomme (Amos) et il mérite mieux que quelques mètres carrés dans un triangle… Je dis que le Quartier Amos est caractérisé déjà par le pont Amos, si un jour je meurs, si vous me donnez un beau pont, cela me suffit moi ». Dominique Gros, un peu las, rappelle que « le pont s’appelle Saint-Clément, Monsieur le Maire ». Rien n’y fait : le Maire conclut d’un péremptoire et ubuesque « Mais tout le monde l’appelle Pont Amos ! », puis passe au vote.
En 2009, la municipalité décidera enfin de renommer le « Pont Saint-Clément » en « Pont Amos » mettant fin à la confusion et permettant à la famille Amos d’entrer officiellement dans le répertoire des voiries messines.
La brasserie Amos, une histoire messine
La brasserie Amos fut créée à Metz à l’angle des rues Hollandre-Piquemal et Belle-Isle en 1868 par Gustave Amos. Les locaux étant devenus trop exigus, la brasserie a déménagé durant la première annexion sur des friches de la rue Mangin. En 1910, Gustave Amos fils succède à son père. La brasserie parviendra à résister aux deux guerres mondiales : durant la première, la production connaîtra une chute conséquente, alors que durant la seconde elle sera abandonnée à l’occupant, la famille préférant partir en zone libre. La production reprendra à la Libération et la brasserie connaîtra ses grandes heures à partir de la fin des années 60. Le 31 octobre 1993, en raison du manque d’espace pour se développer, l’établissement fermera définitivement. La marque existe toujours, rachetée par le groupe Karlsbrau.