À l’automne 1944, les troupes américaines de la 3e Armée, sous le commandement du général George S. Patton, lancent une offensive stratégique pour traverser la Moselle, s’emparer de Metz et avancer vers le cœur de l’Allemagne. Mais face à des fortifications allemandes solides et une résistance acharnée, la campagne pour libérer la Moselle se mue en une série d’épreuves coûteuses.
Après le débarquement en Normandie et une progression rapide en France, la 3e Armée du général Patton reçoit pour mission de prendre Metz, un verrou stratégique avant la frontière allemande. Metz et ses alentours représentent des positions clés pour les forces alliées : en s’emparant de cette ville fortifiée, les Alliés peuvent menacer directement la ligne Siegfried et viser les usines de la Ruhr, un centre névralgique de la production militaire allemande. Patton et ses commandants anticipent une progression rapide, mais la situation s’avère plus compliquée qu’envisagée.
La Moselle est défendue par une ligne de forts, la Moselstellung, construite à la suite de l’annexion de la région en 1871. Ces forts, perfectionnés par l’armée allemande, constituent des obstacles majeurs pour les Américains. Des divisions Panzer et de Volksgrenadiers bien entraînées, renforcées par des troupes venues du front italien, utilisent les collines et les positions fortifiées autour de Metz pour ralentir l’avance alliée. Le franchissement de la Moselle devient alors un défi majeur pour Patton et ses troupes, d’autant que les forces allemandes tentent de maintenir un front défensif en Lorraine jusqu’à ce que des renforts soient prêts pour une contre-attaque.
Premiers affrontements en Moselle : les batailles de Dornot et Corny
Les premières tentatives américaines pour franchir la Moselle débutent en septembre 1944 et rencontrent une opposition redoutable. Entre le 8 et le 10 septembre, la bataille de Dornot-Corny tourne au cauchemar pour la 5e division d’infanterie américaine, qui tente de créer une tête de pont sur la Moselle. Mal préparés pour un assaut contre une défense aussi bien organisée, les Américains subissent d’énormes pertes : en seulement 60 heures de combat, près de 945 soldats américains sont tués, blessés ou portés disparus, ce qui vaut à cette bataille le surnom de Omaha Beach Lorrain dans les mémoires américaines.
La défense allemande, positionnée sur les hauteurs de Corny et dans le bois du Fer à cheval, repousse les Américains grâce à une puissance de feu intense et un terrain favorable. Les survivants de l’infanterie américaine, harcelés par des tirs constants, se replient difficilement dans la nuit du 10 septembre, alors que plusieurs unités doivent franchir la rivière à la nage sous le feu allemand. Cette bataille illustre l’âpreté des combats en Moselle, alors que les forces américaines tentent de percer un front allemand résilient.
La libération de Gorze : une victoire symbolique
En parallèle des échecs à Dornot-Corny, la 7e division blindée américaine réussit à libérer le village de Gorze le 6 septembre 1944. Cette victoire, bien que modeste, marque le premier succès américain en Moselle et offre un point d’appui pour poursuivre la campagne vers Metz. La prise de Gorze ouvre la voie vers la périphérie de Metz, facilitant les assauts ultérieurs contre les lignes allemandes dans la région, et redonne un certain espoir aux troupes américaines après l’épreuve de Dornot. Gorze devient ainsi un symbole de la résilience et de la persévérance des forces alliées malgré des débuts difficiles en Moselle
Contribution des Forces françaises de l’intérieur (FFI)
Les Forces françaises de l’intérieur jouent un rôle décisif dans cette campagne en menant des actions de sabotage et en fournissant un soutien logistique aux troupes américaines. Dans les villages occupés et à proximité des fronts de combat, les résistants désorganisent les lignes de communication allemandes et ralentissent les mouvements de troupes ennemies. Ainsi, à Thionville et dans ses environs, les FFI mènent des opérations pour détruire les lignes de chemin de fer et neutraliser les positions d’artillerie qui visent les têtes de pont américaines sur la Moselle.
Ces actions de sabotage s’avèrent cruciales pour les Américains, car elles perturbent les efforts allemands de renforcer leurs défenses autour de Metz. Les résistants locaux fournissent également des renseignements essentiels, guidant les troupes alliées et évitant aux soldats américains de tomber dans des embuscades. En agissant dans l’ombre, les FFI facilitent les avancées alliées et contribuent au succès de la campagne pour la libération de la Moselle.
Un siège difficile autour des forts de Metz
Les premières offensives sur Metz débutent dès septembre 1944, mais c’est en novembre que les troupes américaines lancent leur assaut décisif. Dès le 8 novembre, les divisions américaines tentent de cerner la ville, attaquant les fortifications extérieures telles que les forts de Saint-Quentin, Driant et Jeanne-d’Arc. Construites après l’annexion de 1871, ces positions fortifiées offrent une résistance farouche, et malgré des bombardements constants et des assauts terrestres, elles retardent la progression des Américains. La 5e division d’infanterie américaine, sous le commandement du général Leroy Irwin, mène plusieurs attaques contre ces forts avec un appui d’artillerie lourd et des bombardements de B-17 et B-24, mais sans résultat décisif en raison de la solidité des positions allemandes. Les forts de Metz sont si bien défendus que les troupes américaines subissent de lourdes pertes et ne parviennent à briser la résistance que progressivement.
Le 19 novembre, la pression américaine sur les défenseurs allemands atteint son paroxysme et plusieurs unités allemandes, dont celle de la Gestapo à Metz, commencent à capituler. Le général Hermann Balck, chef des défenses allemandes, ordonne alors à ses hommes de défendre chaque position dans la ville elle-même, mais les troupes allemandes, épuisées et en infériorité numérique, finissent par capituler. Le 22 novembre 1944, après d’ultimes combats dans le quartier Saint-Vincent, Metz est officiellement libérée, et les Américains capturent plusieurs milliers de soldats allemands. Cette victoire marque un tournant symbolique dans la campagne de Lorraine, mettant fin à des mois de combats acharnés autour de la ville.
Thionville, un obstacle stratégique
Au nord de Metz, Thionville représente un autre enjeu stratégique pour les Américains. Située sur la route vers l’Allemagne, Thionville est bien défendue par des troupes allemandes qui contrôlent les ponts et les infrastructures clés. La 90e division d’infanterie américaine attaque la ville à la fin de novembre et, après plusieurs jours de combats, parvient à la libérer. La résistance locale, notamment les actions d’Albert Ordener, membre des Forces françaises de l’intérieur, joue un rôle important. Ordener parvient notamment à désamorcer des explosifs placés par les Allemands sur le pont des Alliés, évitant sa destruction et permettant aux troupes américaines d’avancer plus facilement dans la région. Cette libération marque la fin de la résistance organisée allemande dans le nord de la Moselle, ouvrant la voie à de nouvelles offensives vers l’est.
La libération de la Moselle et ses conséquences humaines
Bien que Metz et Thionville soient sous contrôle allié dès fin novembre, plusieurs poches de résistance subsistent dans la région, en particulier dans l’est de la Moselle. La ville de Bitche, avec ses fortifications naturelles, reste un bastion allemand jusqu’au 15 mars 1945. La campagne de Lorraine entraîne un bilan humain lourd pour la population mosellane : près de 1 200 civils sont tués, des milliers de personnes déplacées, et de nombreux villages détruits ou lourdement endommagés. Le ravitaillement est difficile, et la région subit des mois de privations. Des comités locaux de libération sont mis en place pour restaurer les services publics, fournir un soutien aux déplacés et organiser les premières étapes de la reconstruction économique et sociale.