7 ans déjà que le Château de Malbrouck ouvre ses salles au 9e art. Après Tintin, Astérix, Alix ou René Goscinny, l’exposition Elle résiste, elles résistent le partenariat entérine noué entre le Département de la Moselle et le Festival International de la bande dessinée d’Angoulême.
Une collaboration visant à valoriser les lauréats du Prix Goscinny qui récompense le meilleur scénariste, inaugurée en 2022 avec un premier volet consacré justement à l’exposition René Goscinny, scénariste, quel métier ! En 2023, le prix a été attribué à Jean-David Morvan et sa co-scénariste, la résistante Madeleine Riffaud, auteurs de l’album Madeleine Résistante : la rose dégoupillée (premier tome d’une trilogie) dessiné par Dominique Bertail (éditions Dupuis, collection Aire Libre). C’est l’exposition présentée initialement lors du 50e anniversaire du Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême qui se déploie dans les six salles du Château de Malbrouck. L’espace consacré permettant même d’enrichir la proposition initiale avec de nombreux ajouts pour notamment mettre à l’honneur d’autres figures de résistantes, sœurs d’armes de Madeleine Riffaud. L’ouvrage comme l’exposition permettent d’éclairer le parcours de cette femme d’exception, méconnue du grand public. C’est en l’entendant se confier au micro de Pierre Hurel (Résistantes, 2015) que Jean-David Morvan se décide à la solliciter. Lorsqu’elle racontait comment le « coup de pied au cul » d’un soldat allemand croisé sur le chemin de l’exode en 1940 (elle quittait la Somme) et l’humiliation ressentie, allaient décider de l’orientation qu’allait prendre sa vie : en résistance. La première salle de l’exposition nous fait même partager la narration de cette singulière association. Des premiers contacts avec la nonagénaire, d’abord incrédule – « Au départ, je l’ai envoyé balader. Pour moi, la BD, c’était Tintin. C’était pour les mômes ! », jusqu’à cette riche collaboration avec celle qui fera de l’écriture son métier. Un tel parcours méritait bien un livre, fut-il dessiné. Après l’épisode de l’exode, elle gagne Paris, encore mineure, et rejoint un réseau de résistants étudiants. En 1944, elle choisit la lutte armée et sera capturée, torturée, plusieurs fois condamnée à mort. Mais participera à la libération de la capitale. Après, elle rencontre Vercors, Pablo Picasso, Paul Éluard… Lequel l’encouragera à investir le talent littéraire qu’il a décelé en elle. Elle passera bientôt de la l’incite à partir pour Hanoï : elle deviendra reporter de guerre. Pour dénoncer le colonialisme, relayer les luttes pour la liberté. Elle couvre la guerre d’Algérie, celle du Vietnam côté Vietcongs. Plus tard, dans les années 70, elle se fait engager comme fille de salle dans un hôpital parisien pour un travail d’investigation pour témoigner des dangers qui guettent l’hôpital public et leurs conditions de travail révoltantes (nul doute qu’elle a pu être un modèle pour Florence Aubenas). Comment ne pas comprendre Jean-David Morvan lorsqu’il a voulu retracer une telle vie, avec la rigueur éditoriale de la principale intéressée. Les quatre principales salles que traverse l’exposition nous permettent de nous y immerger. La dernière s’ouvrant à d’autres portraits de femmes. Des résistantes de Moselle (Simone Coqué, Marie Hackin, Sœur Hélène, Anny Schulz) et d’ailleurs (Germaine Tillion, Marie-Claude Vaillant- Couturier, l’allemande Gerda Taro). D’hier donc, ou d’aujourd’hui telles l’afghane Raha, l’algérienne Rima ou encore l’ukrainienne Oksana Leuta, professeur au lycée français de Kyiv, muée en « fixeuse » pour les médias français au lendemain de l’invasion russe. Des vies d’engagement qui sont là une manière de jeter une passerelle entre cette forme de littérature qu’est devenue la bande dessinée accueillie chaque année par le Château de Malbrouck, et la relation particulière qu’entretient la Moselle avec l’histoire, et spécialement avec les conflits qu’a pu subir son territoire.
Jusqu’au 20 août au Château de Malbrouck à Manderen