Le parcours de Clément Courouve s’écrirait comme un réel conte de fées si le talent du personnage n’avait pas filé un sérieux coup de main au hasard. De ces rencontres fortuites, métamorphosées en moments-clés, il en compte cinq ou six dans sa vie. Il s’émeut et parfois s’amuse en les racontant. Né à Ancy-sur-Moselle, dans une « vieille famille ancéenne » dont il ne fixe pas précisément la profondeur des racines, « sans doute du XVIIe siècle », il est aujourd’hui professeur de français dans l’une des plus illustres universités mondiales, Cambridge. Il a récemment intégré le réseau des ambassadeurs de MOSL International car « Mosellan avant tout ».
Après les moments-clés de l’enfance, de la famille, et les aventures d’un « garçon de la campagne qui aime bien aller à la pêche, chercher des têtards dans les lavoirs et attraper des papillons », déboule sur son calendrier d’ado les Journées portes-ouvertes de l’Université de Metz : « J’étais un élève gentil et discret, le bon élève qui ne fait pas parler de lui, qui se fond dans la masse tout en menant son petit bonhomme de chemin ». Et quel bonhomme ! « À l’adolescence, je savais déjà que je voulais me diriger vers l’enseignement, j’ai toujours eu une grande admiration pour l’ensemble de mes professeurs. Au lycée Georges de La Tour à Metz, la question qui se posait, c’était entre l’histoire et les langues car j’avais de très bons résultats en langues et ce sont des Journées portes-ouvertes, et des échanges avec les professeurs à la Faculté de Lettres et Langues, section anglais, qui m’ont finalement fait comprendre que c’était ça que je voulais faire ».
Initialement formé pour enseigner l’anglais en France, comment se retrouve-t-il à enseigner le français en Angleterre ? Chapitre 2 du conte, dont voici le succulent pitch : « J’ai suivi les sirènes de l’Angleterre et une en particulier ». Il croise Rebecca, aujourd’hui sa compagne, étudiante à Cambridge, « elle, passionnée de français, et moi, de langue et de culture anglaises ». Durant cette période, Clément Courouve est assistant, « pendant un an dans le pays dont on étudie la langue ». Surgit dans le quotidien du jeune couple le temps des questions, celle-ci, d’abord : s’établir en France ou en Angleterre ? « Il n’était pas question que Rebecca abandonne ses études à Cambridge. Elle est modeste mais brillantissime, toujours première de sa promo. Elle a fait sa thèse sur les sociétés secrètes dans la littérature française du XIXe siècle. Cambridge, c’est une opportunité extraordinaire, c’est la crème de la crème qui étudie là, la sélection y est très dure. De surcroît, je n’étais pas vraiment épanoui dans l’Éducation nationale en France ». Va donc pour la vie en Britannie.
Tandis que sa compagne s’apprête à passer directement du statut d’étudiante à professeur de littérature spécialisée XIXe siècle à l’Université de Cambridge, Clément Courouve est recruté dans un des meilleurs établissements d’enseignement secondaire, également situé dans la ville de Cambridge. Il doit y enseigner l’anglais et l’espagnol alors qu’il avait postulé pour la charge de prof de français. Des va-et-vient qui peuvent surprendre en France, mais « le système britannique est différent, il est plus flexible. Il n’y a aucune centralisation ministérielle et les établissements disposent d’une totale autonomie. Ici, on ne regarde pas s’il y a le bon tampon en bas de la bonne feuille, ni forcément l’intitulé du diplôme. Le recrutement se fait de façon très pratique, on vous met en situation, en regardant évidemment si le parcours est en adéquation avec le poste ».
Surprenant Mister Courouve. Finalement, il n’enseignera jamais dans ce bahut, le chapitre 3 du conte s’est ouvert. Tandis qu’il recherche un logement, il répond à la petite annonce de Casimir qui loue une piaule en ville. Il pense à L’Île aux enfants – quel gamin né au cœur des années 80 n’en aurait pas fait autant – puis découvre un autre Casimir, Français, ancien diplomate, directeur de l’unité des langues à l’Université de Cambridge, la prestigieuse, la toujours bien classée dans l’ordre des universités mondiales. Casimir a besoin en urgence d’un prof de français et balance au jeune Mosellan : « Vous ne seriez pas intéressé par un poste à l’université ? ». « Mais je n’ai pas de doctorat », renvoie le jeune prof. Partie de ping-pong verbale et cordiale, smash du directeur : « Mais vous avez le profil. Donnez-moi donc votre réponse pour jeudi matin à 9 heures ». Jeu, set et match, Clément Courouve dit oui, après avoir décliné, « ne serait-ce que par correction vis à vis de l’école pour laquelle j’avais signé un contrat », puis hésité et finalement cédé, joyeusement visiblement et après qu’on lui ait expliqué dans sa belle famille qu’un poste à l’Université de Cambridge, « ça ne se refuse pas ».
Dans cette université britannique, faite de vieux rites et de cultes de l’innovation, Clément Courouve est aux anges. Il a des airs, et même un peu plus, du magistral Robin Williams dans Le cercle des poètes disparus : passionné et passionnant. Pas si loin de ses racines non plus, par la grâce de l’Eurostar, qu’il revient régulièrement humer : « J’ai besoin de ce retour aux sources. Je suis très attaché à Ancy et plus qu’à Ancy à notre quartier de Rongueville, l’un des trois hameaux originels du village. Le fait d’avoir quitté ce village me fait apprécier encore davantage cet environnement préservé, avec des rapports humains qui me sont précieux et cette dynamique associative extraordinaire. Il y a presque un micro-climat à Ancy ». Paradoxalement, ou pas, il a créé avant de rallier l’Outre-Manche, un compte facebook à succès, baptisé « Ancy-Dornot comme on l’aime ». Sa Moselle, il l’aime aussi, la « défend bec et ongles » : « J’ai été flatté, même si je n’aime pas beaucoup ce terme, qu’on me propose d’intégrer le réseau des ambassadeurs de Moselle. Je parle de la Moselle, c’est comme ça que je conçois ce rôle d’ambassadeur. Quand on me demande d’où je viens, pendant longtemps ça a été une question à laquelle il était difficile de répondre. Lorrain ? Mosellan ? Maintenant je réponds « Mosellan avant tout« , parce que je suis attaché aussi aux images qu’évoque la vallée de la Moselle. J’aimerais que plus de personnes aient conscience, même localement, du privilège que cela représente de vivre dans un tel environnement ».
* Si britannique mais mosellan avant tout !