« Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts », clamait le découvreur de la loi de gravitation universelle, Isaac Newton. Un ponte des sciences mathématiques et physiques dont les mots vont comme un gant à Anne-Marie Le Pense. Présidente, réélue les jours derniers, de la section de Moselle de l’Association nationale des membres de l’Ordre National du Mérite (ONM), elle aime jeter des ponts, engagée dans la vie associative au service de la (re)connaissance et de la mémoire. Amatrice de ponts, plus globalement d’ouvrages d’art, elle a consacré une grande partie de sa vie professionnelle au génie civil et à la communication.
Anne-Marie Le Pense le revendique : « Je suis une vraie Mosellane et, plus encore, je suis un produit Sarre-Lor-Lux, je suis aussi bien en Sarre qu’au Luxembourg ou à Metz ». Son papa, Léon Schweitzer, après quinze ans d’armée, devient cadre commercial, chargé de la vente des aciers de l’UCPMI, Union des consommateurs de produits métallurgiques et industriels à Hagondange, une vaste usine bâtie en 1912 par l’industriel allemand August Thyssen et devenue référence européenne. L’acier mosellan a forgé de solides souvenirs dans la mémoire d’Anne-Marie Le Pense : « Je me souviens encore de mon premier exposé en classe de sixième, c’était : comment fabrique-t-on l’acier ? J’avais apporté des échantillons de minerai et de minette, que j’avais mis dans des pots de confiture pour pouvoir les montrer à mes petits camarades. Il y a peut-être eu une influence indirecte sur la suite de ma vie. Dans mon métier de communication au ministère de l’équipement, où j’étais responsable des relations extérieures puis de la communication générale, on avait bien sûr des liens avec la sidérurgie, car dans tout ce qui est génie civil et ouvrages d’art, il y a de l’acier. Du coup, j’étais un peu comme un poisson dans l’eau ». Après des études au Sacré-cœur à Metz et dix-mois mois de fac d’allemand, elle « s’oriente vers un cursus plus pragmatique, un BTS trilingue » puis entre au ministère de l’Équipement, précisément au CETE (Centre d’Études Techniques de l’Équipement de l’Est) dont elle est chef du service de communication. Elle participera plus tard, à partir de 2012, à la configuration du Cerema, établissement public sous la tutelle du même ministère, chargé de l’évaluation des politiques publiques d’aménagement et de transport. « Dans les années 70, c’était un grand ministère technique, avec des directions départementales puissantes. On agissait dans des domaines divers, urbanisme, transports, équipements, ouvrages d’art. Aujourd’hui, il y a les aspects environnementaux en plus, l’eau, l’air, le bruit. Cet éventail de compétences me plaisait énormément. Mon travail de communication consistait à valoriser le travail des ingénieurs et promouvoir la qualité de la recherche française. Nous avions alors une image très forte. J’ai terminé ma carrière, et j’en suis fière, comme directrice de la communication d’un établissement de 3 500 personnes ». Bien qu’atterrie dans un milieu réputé masculin – surtout à cette époque –, Anne-Marie Le Pense navigue aisément, pendant trente ans, avec un tempérament d’acier : « J’ai un côté assez catégorique, cela vient peut-être de mon père et de ses quinze années d’armée. Quand on m’a remis l’Ordre National du Mérite, un directeur m’a dit : « Anne-Marie, vous avez des qualités presque prussiennes », ce qui signifiait que je ne rigolais pas avec le travail ». Elle en rigole et, d’une façon générale, pratique facilement l’humour : « Heureusement qu’on a tous des moments où on délire un peu, mais dans le travail, je suis quelqu’un de passionnée et j’ai été élevée comme ça : bien faire ce que l’on doit faire et tenir ses engagements ». Rien d’étonnant à ce que le général Jean-Pierre Dupré, alors président de l’Association des membres de l’ONM, la repère. « Le général Dupré m’a demandé un jour si je voulais prendre le poste de secrétaire départementale. Et c’était parti… ». Nouvelle aventure, après une mission d’élue municipale à Hagondange. Anne-Marie Le Pense a récemment succédé à Jean-Pierre Dupré. Son engagement est total au sein d’une assemblée dont les activités restent relativement méconnues : « Contrairement à ce que certains pensent, ce n’est pas une association de personnes âgées. En Moselle, nous menons deux activités prioritaires. D’abord en direction de la jeunesse. Nous avons une commission orientée vers les jeunes sapeurs pompiers sur des actions de civisme. On travaille aussi, par convention, avec l’Éducation Nationale afin de repérer dans les établissements scolaires les projets qui relèvent de nos valeurs. J’ajoute cette action qui me touche beaucoup, avec le 1er Régiment du Service militaire volontaire, à Montigny-lès-Metz. On y remet le prix du Mérite à des jeunes qui, pendant leurs quatre mois de formation, se sont distingués par leur volonté de s’en sortir et leur opiniâtreté. Nous avons également une commission Mémoire et ça, c’est fondamental ». L’association des membres de l’ONM s’était montrée particulièrement active – et elle le reste – dans l’organisation de l’opération Moselle déracinée, relatant l’histoire tragique des 400 000 Mosellans en exil pendant la Seconde Guerre mondiale.
Qu’est-ce que l’Ordre National du Mérite ?
Fondé en 1963 par Charles de Gaulle, notamment pour supprimer un trop grand nombre « d’ordres ministériels, coloniaux et civils », l’ONM récompense « les mérites distingués, militaires ou civils, rendus à la nation ». L’ordre et ses membres portent des valeurs, résumées dans une devise : honneur, solidarité, mémoire. « J’ajouterais, dit Anne-Marie Le Pense, l’engagement car c’est une valeur importante. Ce qui est examiné, pour l’attribution de l’ONM, c’est essentiellement l’engagement de la personne au profit de l’intérêt général et public. Et c’est souvent l’engagement d’une vie. Aujourd’hui en Moselle, nous avons 450 membres de l’association et 35 sympathisants qui partagent nos idées et nous accompagnent et nous soutiennent. Un de nos objectifs dans l’avenir est de faire progresser l’effectif, de recevoir plus de monde qui participent à nos activités, c’est aussi un devoir du décoré ».