Dans la vie de Marc Stehlin, tout est affaire de partage et de sensibilité. Pour ce trompettiste issu du jazz, la musique est une belle façon de voguer entre ces deux rivages, au sein notamment du collectif d’artistes Fensch Connexions.
Le natif de Briey n’est pas du genre à se contenter d’un style. S’il revendique sa liaison viscérale avec le jazz – avec, pour figure marquante et inspirante, un certain Miles Davis – il n’est jamais contre une sortie de sentier, toujours prompt à expérimenter ou à explorer. Son CV de mélomane au coeur vagabond en atteste. Une simple conversation avec cet ancien élève du Lycée Fabert suffit à mesurer son appétence pour le pluriel, en tout cas pour la communauté.
Sa réalité musicale est une compilation de genres et de gens, cimentés comme lui par un désir ardent de laisser libre court à la spontanéité et à la liberté. Ceux et celles qui ont assisté cet été aux jam-sessions de Fensch Connexions rue du Pont-des-Morts à Metz, devant le restaurant kurde La Fabrique, peuvent en témoigner. Il flottait dans l’air ce contagieux parfum de l’instant présent, avec ce maelström de notes emportant les musiciens et leurs convives dans un tourbillon de plaisir. Il y a même un soir où le réputé pianiste de jazz Pierre-Alain Goualch, qui passait par là, a apporté son écot à la dégustation du moment. En un claquement de doigts, la béchamel avait pris. À les voir évoluer tous ensemble avec tant de complicité, on en avait presque oublié que le cocktail vespéral procédait de l’impro.
Les séances estivales messines offertes par Fensch Connexions ont laissé un goût agréable dans la bouche de Marc Stehlin. « J’ai vraiment aimé », confie-t-il sobrement. Sans doute parce que le partage et la spontanéité ont accouché d’un joli récital dans le quartier voisinant le campus de l’île du Saulcy. Pour le résident de Devant-les-Ponts, le chemin le plus court reste celui qui mène du coeur du musicien à l’oreille du spectateur, loin du carcan conformiste. Ces fameux-soirs, force était de constater que ce principe avait été appliqué à la lettre.
Quand il ne joue par avec Fensch Connexions, qui additionne les résidences au Gueulard de Nilvange (rue Clémenceau), véritable tremplin pour ce collectif bien décidé à faire parler de lui, le Messin d’adoption s’émancipe dans d’autres projets. Émancipation : voilà un autre mot sacré dans la galaxie de cet ancien étudiant militant qui a préféré la musique au combat syndical pour faire passer ses messages, à commencer par le vivre-ensemble, qui a l’air exsangue dans le monde actuel.

Pour ce grand passionné de piano, qui place volontiers Brad Mehldau et l’Arménien Tigran Hamasyan au sommet de sa pyramide, son plaisir d’intermittent du 4e art s’exprime aussi à travers Cactus 4tet, qui donne libre cours à des compositions originales. Il y a aussi SESAM, composé de 5 musiciens, que l’on a pu voir récemment aux Trinitaires, et avec lequel, dixit le trompettiste autodidacte, ils touchent un large public. « On a de très bons retours », se réjouit celui qui donne aussi de la voix au sein de cette équipe à l’esthétique musicale bigarrée. Si l’incursion dans le chant est de son propre aveu récente, avec notamment des interprétations en farsi (NDLR : il a voyagé en Iran et a même songé à un moment y vivre) l’intéressé compte bien persévérer dans ce registre.
Il faut ajouter à son panel d’intermittent le duo acoustique ENOLA, qu’il forme avec le pianiste Mathis Klaine, plus jeune que lui, avec lequel le courant est passé comme une lettre à la poste. « On a des goûts et des envies communes. » Indissociable de ses différents projets, ce dernier est aussi le leader du groupe Odyssée, qui prévoit de sortir un album de jazz au printemps prochain, placé sous le signe de l’ouverture.
D’ici là, Marc Stehlin aura l’occasion de se repaître d’expériences et de partages musicaux, notamment le 26 octobre pour une jam-session programmée au Gueulard de Nilvange (Rue Clémenceau) avec Fensch Connexions, et le lendemain avec ENOLA, toujours au Gueulard. Les concerts sont prévus à 20h30.
Avis aux amateurs.