Avocat, adjoint au maire de Courbevoie et lauréat du prestigieux prix Win Win (équivalent du Nobel pour le développement durable), Arash Derambarsh est à l’origine de la loi contre le gaspillage alimentaire votée en 2016. Il se mobilise aujourd’hui pour « aller beaucoup plus loin encore » en faisant évoluer la loi et en plaidant pour une remise à plat du fonctionnement de l’industrie agro-alimentaire.
Depuis 2016, la France interdit le gaspillage alimentaire en obligeant les supermarchés de plus de 400 m2 à faire dons de leurs invendus à des associations. Est-ce efficace ?
Concrètement, la loi contre le gaspillage alimentaire a permis la distribution de plus de 10 millions de repas chaque année aux associations caritatives. C’est une hausse de plus de 22 % du don alimentaire aux associations. Donc oui cette loi est efficiente mais il importe de la faire évoluer encore car il faut aller plus loin.
Que préconisez-vous ?
En octobre dernier, à l’Assemblée nationale, j’ai organisé une réunion avec Jacques Kossowski (maire de Courbevoie), Karl Olive (député LAREM dans le 78) et Philippe Juvin (député LR dans le 92) afin d’évoquer une nouvelle proposition de loi qui s’articule autour de trois points. Tout d’abord abaisser le seuil d’application de la loi aux commerces alimentaires d’au moins 100 mètres carrés (au lieu de 400 m2 aujourd‘hui), afin d’y inclure plus de 5.000 points de vente supplémentaires. Ensuite, transformer la contravention de 5e classe en amende de 20.000 euros (au lieu de 10.000 euros aujourd’hui), pour les commerces qui jetteraient de la nourriture. Enfin doubler l’amende prévue pour ceux qui rendraient leurs invendus impropres à la consommation. Parallèlement, je plaide pour le dépôt d’une proposition de résolution européenne, afin que notre dispositif de lutte contre le gaspillage alimentaire soit étendu dans toute l’Union Européenne. En Europe, plus de 80 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté et chaque supermarché jette plus de 40 kilos de nourriture par soir.
En 2020, le Conseil Municipal de Courbevoie a également voté une charte contre le gaspillage alimentaire. De quoi s’agit-il ?
Cette charte a été une première en France et depuis son entrée en vigueur, elle a permis de sauver et de distribuer aux associations caritatives plus de 200 000 repas. À l’échelle du territoire municipal, l’objectif a été de réunir tous les dirigeants et gérants de la grande distribution pour que la loi soit respectée mais aussi pour que tous s’engagent à assurer cette distribution, à collaborer ensemble. L’ambition dans les années à venir est de s’adresser et d’impliquer aussi, les hôpitaux, la restauration collective, les boulangeries, les EHPADs et les marchés. Courbevoie est comme un laboratoire. Les expérimentations menées portent leurs fruits et attestent qu’il est possible d’agir avec plus d’efficacité encore. Et cela coûte zéro euro aux contribuables !
A vous écouter, on a le sentiment que le lutte contre le gaspillage alimentaire n’est pas suffisamment pris en considération aux regards des enjeux.
À mes yeux, lutter contre le gaspillage alimentaire est un sujet d’intérêt général, un enjeu national qui touche à l’économie, au social, à la santé, à l’environnement, à l’éducation…. Ce doit être une priorité que de sensibiliser les plus jeunes à l’importance de ne pas gaspiller la nourriture, par exemple. Pour moi, il est impératif de remettre totalement à plat le système agro-alimentaire français. Je lance un appel au Président Emmanuel Macron pour qu’il se saisisse de ce sujet pour en finir avec le gaspillage, les incohérences, les abus, les dysfonctionnements de tout un système alors que des gens ont faim… Les solutions évoquées précédemment pour réduire le gaspillage en sont quelques exemples mais il y a bien d’autres leviers à activer pour changer les choses. L’hiver qui approche s’annonce difficile pour toute une partie de la population qui peine à se nourrir, compte tenu du contexte socio-économique. Il importe d’agir et vite.
Arash Derambarsh est également l’auteur du Manifeste contre le gaspillage (Fayard, prix Edgar-Faure du livre politique, 2015), d’Agriculteurs : les raisons d’un désespoir (avec Éric de la Chesnais, Plon, 2017) et de Tomber 9 fois, se relever 10 (Cherche Midi, 2019).