ÉDITO
Et si l’on cessait d’abuser des idées prémâchées. Non, le mois de novembre n’est pas triste. Il est bouillonnant, merveilleusement coloré et riche de commémorations. Celle du 11 novembre d’abord, date de l’armistice de la Première Guerre mondiale, « la der des der » claironnaient nos grands-pères pour conjurer l’effroi d’un bis repetita. Nous célébrons aussi le 80e anniversaire de la Libération, signant la fin de la Deuxième Guerre mondiale : une longue célébration, reflet d’une lente libération de la France.
Ces célébrations ont-elles encore un sens ? La question peut choquer mais elle indique une interrogation voisine de l’inquiétude. En d’autres mots, est-ce que nous nous inclinons devant la mémoire des morts par réflexe, dans une habitude certes honorable mais détachée d’une réflexion fondamentale ? Parce que l’homme de la guerre de 1870, dans ses instincts, n’est pas si différent de l’homme de 1940, ni de celui de 2024, on peut par exemple philosopher utilement sur les germes d’une guerre. L’émotion, plus que l’interrogation, nous conduit devant les monuments aux Morts… quand nous y allons. C’est la marque d’une époque assimilant les débats, les études, les recherches à des pertes de temps. C’est aussi la conséquence de nos mémoires endormies.
Mais une mémoire, ça se réveille !
La Moselle, pour plusieurs raisons, notamment parce qu’elle a subi frontalement le désordre et la violence des guerres, sait faire de ces commémorations – et de ses musées et lieux de mémoire – des sources d’inspiration et des espaces de réflexion invitant à un examen de conscience personnel ou collectif.
Le devoir de mémoire exprime l’humilité et le respect, il doit aussi provoquer l’envie et l’intérêt de connaître son passé, particulièrement le contexte – « le présent du passé » – indispensable à une lecture juste des faits. Il doit susciter un engagement au service de la concorde, prenant des formes variées, de grande ampleur ou d’apparence banale : écrire, écouter, lire, comprendre, parler à son voisin, s’enquérir du désarroi d’un collègue, parfois se taire, préférer l’ironie drôle et douce à l’injure bête et blessante… Un arsenal de bonnes manières que les cyniques, les musclés, les pseudo-stratèges des réseaux sociaux ou les faucons nourris à l’industrie de guerre, nomment l’humanisme gnangnan.
C’est pourtant cet humanisme, c’est à dire la considération de l’autre et de ce qu’il pense – potentiellement pas comme nous – qui nous aide à vivre ensemble sous un même toit. Imaginez tout de même qu’on sera bientôt dix milliards de colocataires à partager un logement exigu et insalubre, en abusant du titre de propriétaire…