Dans son avis relatif aux leçons à tirer de la crise sanitaire pour le pays, le Conseil économique et social du Luxembourg évoque la question du télétravail. Pourquoi il convient de l’encadrer tout en le facilitant pour éviter « l’étranglement ».
Parmi tous les pays européens, le Luxembourg se trouve, avec 57%, en première position en matière de ‘télétravaillabilité’ : plus de la moitié des salariés effectue au Luxembourg un travail qui peut aussi être effectué à distance », explique le Conseil économique et social du Luxembourg dans un document (avis 2022) intitulé « Les leçons spécifiquement luxembourgeoises à tirer de la crise sanitaire de la Covid-19 », qui traite, entre autres, de la question du télétravail.
Nul doute que la crise sanitaire a changé la donne en la matière. Pour s’imposer comme une véritable forme de travail alternative ? C’est en tout cas ce que souhaite une bonne partie des frontaliers : « 53% des frontaliers français, 42% des frontaliers allemands et 43% frontaliers belges préfèrent travailler à domicile », indique le CES évoquant l’enquête de la Chambre des salariés Quality of Work Index Luxembourg.
Pour le CES, le développement du télétravail aurait des répercussions sur l’économie locale qu’il importe d’appréhender. En supposant que les 200 000 personnes (résidents et frontaliers), en mesure de télétravailler, télétravaillent en moyenne une fois par semaine, le chiffre d’affaires du commerce local (et restaurants) reculerait d’environ 350 millions d’euros par année (selon l’HORESCA, cité par le CES). « Cette baisse de recettes se traduirait dans son seul secteur par une perte de plus de 1 000 emplois, de 7,5 millions d’euros en cotisations sociales, de 5 millions d’euros de TVA et près de 3 millions d’euros de retenue d’impôt sur salaires ». S’y ajoute encore l’impact sur les finances publiques et sur le budget de l’État dont l’ampleur dépendrait des conventions bilatérales convenues avec les pays voisins (sur le télétravail).
Sur ce point, le CES regrette d’ailleurs que sa recommandation sur un alignement vers le haut des seuils de tolérance pour les trois pays frontaliers, dans la mesure du possible, (dans les limites prévues pour garantir un maintien de l’affiliation des salariés à la sécurité sociale luxembourgeoise) n’ait pas encore été suivie. Pour l’heure, le seuil est de 29 jours (34 jours récemment actés) pour les Français, de 34 jours (même si un flou subsiste) pour les Belges et de 19 jours pour les Allemands.
Cela dit, le CES le souligne aussi. 200 000 personnes (résidants et frontaliers) qui télétravaillent pour reprendre l’exemple précédent, ce sont aussi 8 708 216 allers-retours sur l’année (220/5 x 197 914), en moins. « Cela correspondrait à quelque 40 000 allers-retours de moins par jour ouvrable avec des effets sensibles au niveau de la mobilité », précise le Conseil.
Le Luxembourg a tout intérêt à trouver des arrangements avec les pays voisins tout en veillant à ce que le « partage » des recettes profite à la Grande Région. « Transport, logements, infrastructures matérielles et sociales dans les communes voisines ne sont pas secondaires pour le Luxembourg, qui a un intérêt évident à une meilleure cohésion dans la Grande Région et surtout dans le voisinage immédiat », précise le CES. Le Conseil pointe aussi le fait que l’accès à un lieu de travail luxembourgeois est devenu difficile, « voire irréaliste pour des salariés venant de loin, ceci tant pour des raisons de difficultés liées au transport que pour l’inaccessibilité d’un logement à l’intérieur du pays. Cette réalité nouvelle place l’économie luxembourgeoise devant un goulot d’étranglement fatal. Il devient plus facile pour un jeune talent bien formé qui habite Metz de chercher un emploi sur Paris avec trois jours de télétravail et deux jours de trajets en TGV, que de s’arranger avec les conditions luxembourgeoises ».