Sens : de certaines personnes insupportables, ne dit-on pas « Quel poison ! » ou bien « Quel empoisonneur ! » ou encore « Il ou elle m’empoisonne la vie »… Eh bien, pour éviter de tels déboires, il faut se mithridatiser, c’est-à-dire s’immuniser en s’accoutumant à un poison, comme l’a fait en son temps un certain Mithridate.
Cet homme est le descendant d’une longue lignée de rois. Le sixième du nom. Il est né vers l’an 131 avant notre ère.
À l’âge de 11 ans, il succède à son père sur le trône du royaume du Pont, en Asie Mineure. Ses premiers actes sont diaboliques : il fait assassiner des membres de sa famille avant d’entamer de longues séries d’actions militaires. Il se montre tout à la fois un fin tacticien, un habile diplomate et un turbulent monarque. Ses possessions dépassent largement les frontières du royaume de ses pairs.
Il place parents et amis à la tête des territoires conquis et n’hésite pas à punir les traîtres et les insoumis. Il ne prend pas de gants pour les châtier et utilise le poison. Il connaît si bien les pouvoirs de cette arme sournoise qu’il décide de s’en préserver en en buvant quelques gouttes chaque jour.
Son gros appétit territorial attire l’attention du Sénat romain qui voit en lui un roi dangereux pour le pouvoir de la République.
Au cours de l’été 88 avant notre ère, Sylla est nommé commandant en chef de l’armée lancée contre Mithridate. Cette guerre va durer plus de vingt ans. Après Sylla, se sont Lucullus et Pompée qui tentent en vain de faire entendre raison au roi du Pont. Rien n’y fait.
Finalement, abandonné par les siens dans sa course folle, Mithridate, préférant la mort à la captivité, décide de boire du poison… Il vient d’oublier que durant toute sa vie, il n’a cessé de s’immuniser. C’est alors un de ses gardes qui doit l’assassiner.
De ce monarque, nous conservons deux souvenirs : d’abord une tragédie en cinq actes de Jean Racine, intitulée Mithridate et puis cette expression « être mithridatisé » qui nous rappelle que les nombreux empoisonneurs qui nous entourent peuvent être supportés, mais à toutes petites doses.