Originaire de Stiring-Wendel, où elle a grandi au sein d’une famille nombreuse, membre de MOSL International (le réseau des Mosellans de France et du monde), la chercheuse et professeure à Sorbonne Université Nébéwia Griffete privilégie la recherche appliquée, essentiellement dans les domaines de la santé et de l’environnement. Brisant la caricature du scientifique reclus, cette tête chercheuse garde les pieds sur terre, communique, rencontre, explique, publie et élève en préoccupation majeure l’effet de ses recherches sur nos vies. Et dans cette tête bien faite, la Moselle conserve une place de choix.
Son curriculum vitae donne le tournis. Les diplômes, les titres, les missions livrent le récit d’une carrière brillante. Quand Nébéwia Griffete se raconte, elle ne la joue pourtant pas comme ça. Pas de frime, ni de langage abscons. La fierté de la réussite, mieux qu’un acquis, a valeur de moteur. La jeune femme, d’abord chimiste, avance au cœur des autres, ses semblables. Elle bâtit une ribambelle de fenêtres autour de son labo. Dépendant de Sorbonne Université et du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), elle s’est « spécialisée en chimie des matériaux. Je développe des nanomatériaux pour différentes applications, parce que j’aime avoir une application derrière ce que je développe. Mes recherches correspondent à une volonté de répondre à des problèmes sociétaux. Je m’intéresse par exemple au cancer ou à l’environnement avec toujours l’objectif d’être utile ». Dans une publication de Sorbonne Université (décembre 2022), Nébéwia Griffete explique ainsi une de ses recherches : « J’ai étudié les polymères à empreinte moléculaire. Ce procédé permet de reconnaître de façon très sélective une molécule dont on a fait l’empreinte. On a couplé ce système à un cristal photonique qui est une structure comparable aux ailes des papillons. En fonction de l’angle de rayonnement de la lumière, ces dernières changent de couleur. Je me suis servie de ces propriétés naturelles pour développer un matériau qui change de couleur dans l’eau lorsqu’on détecte un polluant ». Le propos s’adapte à une publication scientifique. D’autres mots seraient choisis pour l’expliquer au grand public. Elle affectionne cet exercice : vulgariser pour démocratiser les enjeux de la recherche scientifique : « Naturellement, je ne parle pas de chimie de la même manière à un chercheur, à des étudiants [elle enseigne la chimie à Sorbonne Université, de la 1e année au master, NDLR], ou à des collégiens et lycéens, je m’adapte ».
De la chimie à l’égalité
Cette sensibilité aux autres, et l’ouverture de son univers aux profanes que nous sommes (à peu près tous), Nébéwia Griffete les considèrent aussi comme une réponse à la déferlante des fake news, particulièrement depuis le Covid. Mais avant cette épidémie, inédite en bouleversements sociaux et politiques, elle avait devancé l’appel, en précurseure, en passionnée de la médiation scientifique, en jaugeant justement le besoin des citoyens de comprendre, et sans doute aussi le besoin des scientifiques d’être mieux aimés : « Il faut qu’on explique que ce qu’on fait, on le fait pour la société, pour les gens, pas contre eux ». La docteure Griffete tente finalement le pari, audacieux, de faire de la chimie une science presque sociale (pardon aux puristes).
Dans cette vie professionnelle bouillonnante, elle dégage du temps pour un autre combat, l’égalité femmes/hommes. Membre du Conseil d’administration de la Société chimique de France (SCF) et Chargée de mission Égalité pour la SCF et le CNRS, elle rappelle que « les femmes chimistes ont longtemps été mises à l’écart. On commence à rattraper le retard mais, tout de même, quand on regarde les femmes chimistes en France et dans le monde, elles ne sont que 30% dans des postes de chercheuses ou enseignantes-chercheuses. En master, on a 50% de femmes et 50% d’hommes, où est-ce qu’on perd les femmes, pourquoi on les perd ? Un de nos objectifs, c’est de les inciter à continuer dans les sciences. C’est la raison pour laquelle je vais aussi dans les collèges et les lycées. Il faut donner aux jeunes des images et des exemples ». Et Marie Curie n’y parviendra pas seule. Réfractaire à la loi des habitudes, et au poids des clichés, Nébéwia Griffete est à l’affût de toute nouveauté utile. Dans le cadre de ses recherches sur le cancer, elle travaille sur un brevet et envisage la création d’une startup.
Fille de Stiring-Wendel
Cette carrière, emplie de lumières, a démarré en Moselle. La jeune Nébéwia, plutôt attirée par les matières littéraires où elle excelle – ce qui explique sans doute son appétit de communication – choisit toutefois un bac scientifique, ouvrant, disait-on et dit-on toujours, mieux les portes. Elle obtient à l’université de Metz un Deug de biologie, avant de s’envoler pour Paris et la chimie. De cette terre natale, elle n’a rien oublié, elle y revient une fois par mois et pendant l’été. Ici, elle est encore la petite fille de Stiring-Wendel, baptisée d’un prénom signifiant « la prophétie« . À Paris, Madame est ambassadrice de Moselle et conseillère en séjour : « Je suis fière d’être Ambassadrice Moselle sans limite. Représenter la Moselle en Île-de-France, ça me correspond. Je fais même la promotion des vacances en Moselle, dans mon entourage et dans mon laboratoire. Ce rôle d’Ambassadrice signifie aussi pour moi un partage d’expériences avec d’autres Mosellans expatriés, parfois à l’autre bout du monde [elle-même collabore avec les universités de Tokyo, où elle s’est rendue encore récemment, ou New Delhi, NDLR]. On a des expériences assez similaires, et puis on a quitté notre Moselle natale mais on y est très attachés ».