Jean-Marc Baldinger est un cadre du Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (CMSEA) dont « le but est de sauvegarder et promouvoir les possibilités d’accès à l’autonomie, à la dignité et à la solidarité pour les personnes en situation de vulnérabilité ». Un engagement exigeant mais exaltant. « Je suis un perpétuel fatigué, mais un perpétuel motivé », résume-t-il son état d’esprit, jamais loin de son sourire pêchu. Parallèlement, il préside Planet Aventure Organisation, dont les manifestations sportives promeuvent en grande partie « la lutte contre les violences faites aux femmes ».
Sa vie ressemble à un pari, une course de fond entrecoupée d’épreuves de vitesse et d’adresse, de bonheurs et de doutes. Y croire malgré tout : quatre mots compliqués à coller dans un logiciel personnel, oui mais voilà, Jean-Marc Baldinger a été programmé au sein d’un monde attentif à ce qui l’entoure, où l’on s’épanouit au contact d’adjacents bien dans leurs baskets : « Mes parents étaient profs et dirigeaient des centres de vacances, ils avaient la fibre sociale. Nous faisons des métiers de militants et nous sommes toujours au contact des autres ». Éducateur spécialisé pendant vingt ans, Jean-Marc Baldinger entre ensuite dans le registre plus officiel et administratif du combat pour l’intégration. Il dirige le secteur de la Prévention spécialisée sur le territoire de l’Eurométropole de Metz, aux côtés d’éducateurs et travailleurs sociaux : « En fait, c’est une mission de l’État, hier déléguée aux Départements et désormais à la Métropole. Nous travaillons donc sur une convention liant l’association CMSEA, les Villes de Metz et Woippy et la Métropole. Nous intervenons pour la protection de l’enfance sur les 10/21 ans et agissons, en prévention, pour éviter toutes les formes de marginalité, par exemple celles liées aux déscolarisations ou violences familiales, etc. Les travailleurs sociaux vont à la rencontre de ces publics – c’est pour cela qu’on les appelle aussi des « travailleurs de rue » – ce sont des professionnels qui vont au devant, qui partent rencontrer ces jeunes dans les quartiers, le jour, le soir. Notre particularité, c’est que nous sommes sur une libre adhésion, contrairement à d’autres structures où il y a un mandat judiciaire ou administratif. C’est plus facile de mobiliser les publics les plus éloignés avec ce principe de libre adhésion, cela crée un climat de confiance ». Un travail s’accomplit alors, raccroché aux sources des marginalités et en lien avec les parents, « quand c’est possible, car il arrive que la famille soit trop en difficulté pour qu’on puisse établir ce lien ».
L’expérience déjà longue de Jean-Marc Baldinger lui apporte une vision large sur l’évolution, dans le temps, de ces ruptures sociales : « Il y a un décalage énorme et une fracture de plus en plus importante, y compris au préjudice de ceux qui disposent de diplômes. Il y a par ailleurs une forte croissance du décrochage scolaire : soit les jeunes ne trouvent pas leur place à l’école, soit ils souffrent de problématiques à côté, dans la famille par exemple, et cela aboutit à une déconnexion, un isolement à l’école et ailleurs. Et de plus en plus, on travaille avec des jeunes qui simplement ne se sentent pas bien ». Un état péniblement dicible, indistinct, le rude « mal de vivre » si somptueusement exprimé par la chanteuse Barbara, le mal qui « ne prévient pas quand ça arrive, [qui] vient de loin, s’est promené de rive en rive, la gueule en coin. Le mal de vivre, qu’il faut bien vivre » (1). Comment remettre de la vie dans le désespoir ? « On travaille avec eux sur différents supports éducatifs, le théâtre ou le sport par exemple. On n’a pas vocation à faire de l’animation sportive mais on utilise la puissance du sport pour leur redonner confiance ou le théâtre pour les aider à s’exprimer. Avec l’aide d’une psychologue, on monte beaucoup de projets avec eux, pour travailler sur leurs difficultés et les amener à trouver leur place, celle qui doit correspondre à leurs attentes ou à leurs envies trop souvent enfouies ». En termes de résultats, Jean-Marc Baldinger établit plusieurs niveaux : ceux qui mettent fin à une parenthèse, « qui ont eu besoin d’un soutien à un moment donné et repartent dans un cursus » ; ceux qui peinent à s’extraire d’une spirale et « avec qui on travaille des années parce qu’ils ont eu un parcours de vie tellement difficile, avec des carences affectives ou des maltraitances. Ceux-ci sont désocialisés et avec eux il faut tout réactiver et ça prend du temps » ; et enfin ceux qui zigzaguent et « fonctionnent en dents de scie, ils vont venir pendant deux mois pour participer à un projet collectif qui leur plaît et ils vont développer des compétences. Mais ils disparaissent après, puis on les retrouve trois mois plus tard. Ils avancent par étape. Globalement, on garde la foi car il y a quand même de la réussite ». Jean-Marc Baldinger cite notamment le projet Starter : « On a mobilisé dix jeunes qui étaient en rupture de tout. Comme on les voyait souvent sur des motos, on leur a proposé de retaper un vieux 4X4 Land Rover, avec l’aide d’un mécanicien à la retraite, un mec incroyable qui faisait des réparations sur le Paris-Dakar, ce qui nous permettait de travailler aussi sur l’intergénérationnel ». Un vrai succès qui se bouclera prochainement par un séjour aventure dans le Jura… et une reprise de formation pour 80% d’entre eux.
(1) Barbara, Le mal de vivre, 1965
Contre les violences faites aux femmes
Ce quinqua messin, originaire de Sarreguemines, mène « une vie de dingue ». À une occupation professionnelle déjà intense, il en ajoute une sportive. Les deux, en fait, font la paire : « Planet Aventure Organisation est une association ouverte à tous les publics mais elle met sur pied des activités plus particulièrement ciblées pour les jeunes en réinsertion sur les quartiers, les jeunes les plus fragiles et les femmes qui ont subi des violences ». L’association recouvre de multiples événements, regroupés sous le label MTA : Metz Trophy Aventure (prochaine édition le 10 septembre 2022) avec la Saharienne, raid multisports féminin et mixte alignant plusieurs centaines de duos « qui défendent chacun une cause solidaire » ; une course urbaine, Metz Urban Race (10 km dans la ville), ouverte à tous à partir de 16 ans ; la Conquérante, marche contre les violences faites aux femmes, à partir de 6 ans ; « une vingtaine de rencontres sportives pour toutes les femmes », de mars à septembre 2022, gratuites ; une journée de sensibilisation à la lutte contre les violences faites aux femmes… Une foultitude de rendez-vous hauts en couleurs et saveurs citoyennes, mariant pour le meilleur et pour l’avenir des aventures humaines et sportives.
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