Deux hommes d’État : un monstre sacré de la Troisième République et un quasi oublié dont l’Histoire a surtout retenu une rocambolesque anecdote de train. Dans le Tigre et le Président, Jean-Marc Peyrefitte met en scène un pan de la vie politique française avec humour et poésie.
Revenons un siècle en arrière. Nous sommes en 1920, l’Armistice a été signée il y a deux ans, les années folles battent leur plein. En janvier ont lieu les élections présidentielles. Deux mois auparavant, le Bloc national remporte largement les élections législatives. Son chef de file n’est autre que Georges Clemenceau, déjà président du Conseil depuis 1917. Fort de ce triomphe, celui que l’on surnomme le Tigre prend la décision inattendue de se présenter à la Présidence de la République Française. Inutile de préciser que le « Père de la Victoire » de la Première Guerre mondiale est donné gagnant, à tel point que Clemenceau ne mène aucune campagne. Et pourtant, à la surprise générale, c’est son adversaire Paul Deschanel qui prend la tête des votes préparatoires, puis se voit élu, Clemenceau ayant auparavant retiré sa candidature. L’autoritarisme de celui que ses opposants raillent en l’appelant « Perd-la-Victoire » fait pâle figure face à l’idéalisme de ce nouveau Président de la République, que le grand public connaît à peine. La tâche à accomplir est de taille : Deschanel veut changer la vie des Français, en commençant par plus de protection sociale. De son côté, Clemenceau peine à accepter les idées progressistes de son confrère. Se glissant dans la peau du Tigre, André Dussollier déclare ainsi d’une voix forte et grave : « Comment a-t-on pu élire un homme qui voulait abolir la peine de mort, donner le droit de vote aux femmes et leur indépendance aux colonies ? ». Une nuit, alors que le Président fraîchement élu se rend dans le département de la Loire afin d’inaugurer une statue, il tombe par la fenêtre du train en marche, se retrouvant à errer sur la voie ferrée en pyjama et robe de chambre. Les retombées politiques de cet incident finiront par grandement perturber sa carrière. C’est un Jacques Gamblin sensible et plein d’entrain qui prête ses traits à ce président éphémère, à la santé mentale fragile, mais aux projets novateurs.