L’exposition Legacy – Une vie de photographe-réalisateur présentée à l’Arsenal pourrait être une esquisse de testament pour Yann Arthus-Bertrand. Celui de 45 ans de travail mais aussi celui d’une vie de militant de plus en plus radical.
Ses photographies ont fait le tour du monde, en particulier celles de la série La Terre vue du ciel. Un juste retour des choses pour celui qui a passé l’essentiel de sa vie à en révéler la beauté. Sous des angles dont seuls quelques privilégiés pouvaient profiter. On a paradoxalement pu un temps le moquer, lui qui passait son temps dans les hélicoptères pour réaliser ses prises de vue, participant à aggraver l’état de la planète. « Je préfère ne pas savoir quel a pu en être l’impact, mais j’en ai pris conscience depuis. À l’époque de La Terre vue du ciel, je venais d’être sensibilisé par la Conférence de Rio en 1992 et je voulais témoigner de la beauté d’un monde que l’homme était en train de défigurer. Notre regard ne se portait pas encore sur le changement climatique, le déclic sur l’utilisation des énergies fossiles est vraiment intervenu avec le film d’Al Gore en 2006 (NDR : “la vérité qui dérange”). »
Reconnaissons que la conscience écologique de Yann Arthus-Bertrand ne date pas d’hier. L’exposition n’autorise aucun doute à ce sujet. Pas plus chronologique qu’elle n’offre un panorama exhaustif de son travail, elle le met simplement en perspective à travers six thématiques.
Cela commence avec ses clichés les plus méconnus. Ceux pris au Kenya où il était parti vivre avec sa femme en 1970. 3 ans à observer le comportement des lions et des espaces où hommes et animaux vivaient en harmonie. « Je nourris l’espoir de créer de telles réserves en France, où les animaux ne verraient plus en l’homme un prédateur. » C’est là où des vols en montgolfière lui révèlent l’intérêt de la photo aérienne, à des fins d’étude scientifique d’un territoire. Ou autre. L’exposition se termine d’ailleurs par une sélection d’images du Lac Magadi, que le photographe a survolé plus de 6 fois, mesurant ses modifications en plus de 4 décennies.
Moins connues aussi, celles de Bestiaux qui témoignent de la relation intime entre animaux d’élevage parfois en voie d’extinction et de leur éleveurs. Ou celles, touchantes, de Français, des plus anonymes aux plus connus (Mitterand, Starck…). Il y a aussi celles de Tarmac qui révèlent les traces d’avions sur les pistes d’aéroports.
Une large part de la galerie est dévolue aux photographies de la série La Terre vue du ciel. Mais accompagnées de chiffres et de statistiques pour souligner encore davantage la gravité de la situation de la planète. Et l’urgence à agir. « L’image ne suffit pas. La lecture du dernier rapport du GIEC (NDR : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) fait froid dans le dos. Nous vivons dans un déni collectif de la tyrannie de la croissance infernale. Je n’arrive pas à admettre que plus il y a d’alarmes, plus le monde émet de CO2. Il est de notre devoir à tous d’agir. » Yann Arthus-Bertrand le fait à sa manière. À travers ses photos mais aussi à travers les actions de sa Fondation Good Planet au Domaine de Longchamp, lieu de sensibilisation à la protection de l’environnement et à la solidarité, mais aussi d’accompagnement d’entreprises et d’institutions dans une démarche d’éco-responsabilité, avec conférences, conventions citoyennes et même un escape-game. Cet « optimiste inquiet » aimerait déployer ces actions autour de lieux analogues en province. « Pourquoi pas à Metz. »
Pour l’heure, il poursuit son métier de collecteur d’images .« La notion de catalogue du monde m’est obsessionnelle. Et j’adore mon métier, il rend moins con. » Et réalise des films comme ce Legacy, notre héritage qui sensibilise avec force émotions sur l’éventualité de la fin du monde. Mais son obsession de la beauté de celui-ci se décline aussi autrement désormais. « Je la vois aussi dans le sens qu’on donne à la vie, à nos convictions. La vraie beauté réside dans l’amour que l’on porte à l’autre, dans le partage. Je crois aux belles actions. »