Retour aux origines pour James Gray. Bien loin de sombrer dans une nostalgie douceâtre, Armageddon Time propose un éclairage édifiant sur les États-Unis des années 80, entre inégalités, discrimination et quête générationnelle du rêve américain.
Depuis quelques années, le travail du réalisateur américain James Gray se pare de la couleur de l’introspection, que ce soit avec The Lost City of Z (2016), ou plus récemment Ad Astra (2019). Avec Armageddon Time, le cinéaste porte là encore un regard intime et réflexif. Mais il retourne à ses racines et à son décor de prédilection : New-York. S’inscrivant dans la tendance actuelle qu’ont les réalisateurs de raconter leur enfance dans des films semi-autobiographiques (que l’on pense à Roma d’Alfonso Cuarón ou Belfast de Kenneth Branagh), Gray nous offre le récit initiatique de sa jeune personne. Dans un souci de fictionnalisation, le petit Gray devient Paul Graff. Nous sommes dans les années 80, quelques mois avant l’élection de Reagan. Paul grandit paisiblement dans le Queens, au sein d’une famille juive de classe moyenne. Espiègle et guilleret, il rêve de devenir dessinateur, bien que son père l’imagine poursuivre une « vraie » carrière, de celles qui seraient synonymes de réussite sociale. À l’école, Paul fait les quatre-cents coups avec son meilleur ami Johnny. Si les pitreries ne sont jamais bien méchantes, il leur arrive bien souvent de se retrouver dans le bureau du directeur. Et Paul ne peut s’empêcher de constater que son copain afro-américain, pauvre et vivant seul avec sa grand-mère, est toujours davantage puni que lui. Un jour, une bêtise va trop loin et ses parents décident que leur fils quittera le collège public, et abandonnera alors son acolyte de toujours. Il est bientôt inscrit dans une école privée cossue, tenue par le père de Donald Trump. Sur place, le garçon subit des injustices qui lui sont tout à fait inédites : il endure les affres de l’antisémitisme. Avec le soutien de sa famille, et en particulier de son grand-père adoré, véritable boussole morale pour Paul, l’enfant apprend à naviguer et avancer malgré les préjugés. Il découvre alors son héritage, celui d’une famille juive ayant dû fuir l’Ukraine dans les années 20. Mais Paul finit également par observer que le rêve américain que l’on a fait miroiter à ses aïeux est aussi illusoire que mensonger.