Khôl a sorti son deuxième disque à l’automne, L’Archet. 7 chansons qui frottent et caressent les cordes sensibles, entre ode à la sensualité, douceur et révolte entremêlées. Elles collent à cette femme en quête d’éveil et d’équilibre.
Elle a une voix mutine. Et un regard presque enfantin, cerné de khôl comme il se doit. À l’image d’une femme qui s’émerveille de tout et fait fi des épreuves et de l’adversité . Y compris de l’âge. « J’aime l’idée de vieillir. J’ai hâte d’avoir 50 ou 60 ans. Le temps me rend meilleure ! »
L’aurait-elle apprivoisé ? Elle qui semble n’en faire qu’à sa tête, suivre ses intuitions. Et vivre dans l’idée de grandir, de s’élever. Quitte à se mettre en danger. À bifurquer, changer de voie pour trouver l’écrin adéquat à sa voix. Et se définir autrement. Hors des clivages artificiellement imposés par le monde de l’opéra, « violent, parfois cruel », où elle a gravité une douzaine d’années. « Pourquoi la Callas serait-elle plus grande que Barbara ? » Malgré l’incompréhension et les mises en garde, elle s’est tournée il y a 7 ans vers la chanson et la composition. Seule mais, dans une affirmation de soi quasi féministe, prête à tout affronter. Jusqu’aux sacrifices matériels. « Je paye cher le fait d’être libre de mon art. »
Cette capacité à s’émanciper et à tout surmonter était très tôt présente. Lorsqu’à 5 ans elle doit prendre le train trois fois par semaine de Baccarat où elle est élevée par ses grands-parents, pour rejoindre parfois seule l’ancien Conservatoire de Nancy – elle y a été inscrite avant même de savoir écrire. C’est le destin que s’était choisi celle qui, un an plus tôt, avait été émerveillée par une représentation des Cloches de Corneville. Violon, solfège, piano, chorale à Baccarat, diplômes obtenus dès 14-15 ans. Parcours scolaire irréprochable à côté. L’université à Nancy puis à la Sorbonne où elle décroche une maîtrise en littérature, parallèlement à une formation lyrique au Conservatoire de Paris – elle y a été admise alors qu’elle n’avait que 16 ans. Premier contrat comme soprano à 23 ans. Et 10 ans à faire beaucoup de remplacements. Jusqu’à la désillusion.
Et un déclic. La composition de One, sa première création. La chanson donc ? Rien de transgressif pour celle écoutait aussi la radio en étant séduite par Queen, Lenny Kravitz ou MC Solaar.
Une décision qu’elle prend à bras le corps. Avec naïveté souvent. Elle n’a aucun réseau ? Pas grave. Il lui faut un nom moins commun que Claire Simon ? Elle opte pour Khôl. Après tout ce trait noir souligne ses yeux depuis son adolescence. Et son autre facette, déterminée et indépendante. Il lui faut un premier CD pour décrocher des concerts ? Elle le réalise seule. Autour du concept du sac, celui parfois lourd qu’on trimballe, ou celui qui est synonyme de voyage.
C’est d’ailleurs sur la route qu’elle s’épanouit. À la rencontre du public. Elle décroche plusieurs prix dans des concours ou festivals ? « Je me fiche que cela fasse bien sur un CV. » Les compliments ? « L’important est ailleurs, dans l’écoute du public. Dans la communion de dingue qui en naît et qui nous dépasse. En ce sens la chanson est plus exigeante que l’opéra. Et pourtant on s’y met en danger, à nu. »
De quoi nourrir l’envie d’un second disque, conçu et réalisé dans la forme qui lui convient. L’Archet. Avec l’aide de Benjamin Cahen (le frère de Laura, la chanteuse) aux arrangements. Entre jazz, pop et musique impressionniste française s’y côtoient le féminicide abordé avec La douceur et ses notes paradoxales disco des années 80, Tu tangues et ses choeurs d’opéra, les superpositions de voix soul de La Joaillerie sur un poème de Nicole Métivier poétesse lorraine, seul texte qu’elle n’a pas écrit. Car Khôl s’inscrit dans la tradition française des années 50 et 60 où les mots sont importants (on la compare souvent à Colette Magny). Les textes naviguent entre deux pôles. L’un très incarné autour de la sensualité, jusque dans la violence physique domestique donc. Et l’autre magique, presque métaphysique, entre élévation spirituelle et émerveillement. Le tout livré dans un bel objet conçu autour du travail d’une photographe et d’une peintre – chaque chanson est illustrée d’un tableau.
Car Khôl s’inscrit dans une manière de faire qui n’est plus. Elle aime voitures et objets anciens, porter corsets et robes longues ou écrire à la main sur du papier. Nourrissant ainsi le goût d’une esthétique d’un autre temps.
Parait-il que celui-ci peut parfois suspendre son vol. En particulier lorsqu’il est souligné par les traits musicaux de Khôl.
Le 13 janvier à la Jehanne à Metz