Dudelangeois de naissance, citoyen messin, médecin à Fameck, Yves Wendling assure depuis 2020 les fonctions de Consul honoraire du Grand duché du Luxembourg pour la région Grand Est. Une mission de représentation, de conseil, d’entraide et d’action très concrète. Il la mène armé d’une volonté de combattre les idées fausses sur la relation entre les territoires luxembourgeois et lorrain, plus partenaires que concurrents. Multi-engagé dans le monde associatif – notamment président départemental des donneurs de sang – cet Européen de culture et de cœur parvient tout de même à dégager du temps pour exercer la noble activité de savoir-vivre.
Son parcours public, d’abord politique, révèle une personnalité inhabituelle dans un sérail où le paraître l’emporte souvent sur l’être. Yves Wendling déboule en toute sincèrité et déballe sa bonne humeur, il assume ses prises de position, ses amitiés, ses coups de gueule, son humour parfois grinçant, jamais blessant, toujours balisé de vifs éclats de rire. Au Quarteau, un bar de la place éponyme, à Metz, il lâche sans se soucier de l’interprétation : « Ici, j’y suis souvent, j’y retrouve des amis, c’est un peu mon QG ». Il vit dans un monde réel. Son histoire familiale et son actualité professionnelle, diplomatique ou associative, lui apportent une vision à 360° de la société : du « monde ouvrier attachant » de ses aïeux aux sommets dorés des ambassades et ministères. Il raconte ses deux grands-pères sidérurgistes au sein de la société luxembourgeoise Arbed, fusionnée en 2002 avec l’Espagnol Aceralia et le Français Usinor pour donner naissance à Arcelor.
Côté paternel, son grand-père entre au service comptabilité de l’industriel, puis escalade toutes les marches pour atteindre les fonctions de directeur financier et fondé de pouvoir. Yves Wendling tient probablement de ce grand-père une simplicité dans la relation humaine : « Quand il avait à parler avec les ouvriers, il arrivait avec une caisse de bières, ça se faisait simplement. Cela dit, quand ils le voyaient arriver avec sa caisse, ils craignaient les mauvaises nouvelles ». Côté maternel, l’histoire est plus cocasse encore, particulièrement un épisode dont il fait le récit avec tendresse. Son arrière-grand-père, mineur, est un jour victime d’un grave accident de travail. Il porte plainte contre Arbed, « ce qui ne se faisait pas du tout. Arbed lui propose alors de retirer sa plainte en échange du financement des études de son fils qui voulait faire les Beaux-arts. Mon arrière-grand-père, dont on a jamais su si c’était un bon syndicaliste ou un mauvais père, refuse : ah ça non, pas question ! ». C’est là qu’Yves Wendling se marre. Il aime balader son esprit fin sur les frontières entre le premier et le second degré. Cet arrière-grand-père fondera le premier syndicat des mineurs et participera à la création du PS luxembourgeois. Yves Wendling baigne très tôt dans ce milieu industriel et dans un double attachement à la France, où naît son père, et au Luxembourg, berceau de la famille de sa maman. Du franco-luxembourgeois intégral.
Avant Fameck, son père médecin pratique à l’hôpital de Hayange, la famille s’installe alors à Serémange-Erzange, en face de l’usine : « Je me souviens, gamin, quand ma mère me mettait dans le jardin tout en blanc, je rentrais au bout de deux heures gris ou noir ». C’est la voie de son père qu’il suit finalement. L’enfant de la Fensch quitte la vallée pour emprunter le sillon lorrain jusqu’à Nancy et suivre des études de médecine. Installé aujourd’hui à Fameck, il évoque davantage le mot généraliste : « En médecine, ce qui est intellectuellement intéressant, c’est de poser le diagnostic, et les généralistes, nous sommes les premiers à le faire. On pose les diagnostics avec les mains nues, comme disaient les anciens médecins. C’est une médecine des mains nues, vraiment proche des gens ».
Cette proximité, il l’exerce aussi, avec un plaisir évident, dans un univers associatif « qui a aujourd’hui du mal à recruter ». Plaisir, mais avant tout renvoi d’ascenseur à une société qui l’a placé parmi les chanceux : « L’engagement fait partie de ma culture. Je pense que je suis un privilégié et que j’ai de la chance. Il me paraît donc normal de donner du temps aux autres ». Yves Wendling préside aujourd’hui plusieurs structures, bénévolement (comme pour sa mission de consul) : Prévention routière départementale et Donneurs de sang bénévoles de la région messine. Il est aussi vice-président de l’Association Fondation Bompard, aux activités diverses dans le domaine médico-social, basée à Novéant-sur-Moselle et comptant 600 salariés.
Sa démarche d’élu et militant politique, aujourd’hui derrière lui, s’inscrit dans un registre identique : vivre avec les autres, faire société et participer à la marche du monde. Membre du RPR à 20 ans, candidat aux élections régionales en 1998, conseiller municipal LR de Metz de 2014 à 2019 (il démissionne pour devenir consul), proche de Denis Jacquat, ancien député et conseiller général puis départemental de Moselle, avec lequel il boit régulièrement un café au Quarteau et auquel il aurait sans doute succédé s’il avait poursuivi en politique, Yves Wendling se définit d’une « droite sociale », celle de Philippe Séguin (ministre, député des Vosges) qui n’a cessé de l’inspirer. En un mot, nostalgique du bon vieux temps du RPR. Il goûte peu, ça se ressent vite, l’ère actuelle baptisée d’eau tiède, l’homme est ouvert, attentif aux idées et appréciant les confrontations, dans des échanges apaisés : « J’appréciais Philippe Séguin pour sa réflexion intellectuelle et pour sa droiture, il ne transigeait pas avec les valeurs de la République ». Yves Wendling revient sur le débat de 1992, opposant Séguin à Mitterrand sur le traité de Maastricht, certains reprochant au premier « de n’avoir pas été assez méchant » avec le second. Il élève le moment et l’attitude de Séguin en exemple et dénonce les effets-foules et les politiques qui surexcitent aujourd’hui le débat et légitiment les violences : « Les élites doivent se rendre compte qu’elles ont des responsabilités ».
United Colors of Luxembourg
Le consul honoraire Yves Wendling se montre conscient du décalage entre l’image et la réalité du Luxembourg, y compris dans une Lorraine proche du Grand duché, beaucoup plus divers et coloré qu’on ne le pense, avec notamment une cohabitation de paysages urbains et campagnards ; plus touristique qu’on ne le croit, avec sa « Petite Suisse », ses « multiples et magnifiques gestes architecturaux », sa gastronomie, son record mondial de « pays où il y a le plus d’étoilés Michelin par habitant ». Son histoire, aussi, nous rappelle le consul honoraire, ratatine l’image d’Épinal d’un Luxembourg dévoué corps et âmes aux seuls banquiers. On y pratique assurément l’optimisation fiscale, mais l’industrie, la recherche, la technologie, l’enseignement supérieur, la culture nourrissent abondamment l’économie et la société luxembourgeoises, sans oublier l’agriculture : selon la Chambre d’agriculture luxembourgeoise, « 51% du territoire est consacré à la culture agricole, horticole et viticole, et à l’élevage ». Dans la relation avec la France, particulièrement avec la Lorraine et la Moselle, Yves Wengling l’assure ainsi, en substance : il n’y a pas de rapports de domination de l’un envers l’autre, et les partenariats sont effectifs et efficaces, « notamment sur la question des transports, pour les 100 000 travailleurs transfrontaliers. Certes, il existe encore des sujets sur lesquels persiste une frontière, mais on avance ».