L’Italie est à l’honneur pour cette édition du Passages Transfestival. Une Italie qui sort des sentiers battus, singulière, festive ou engagée. Transitalia ou 15 jours de spectacle vivant avec plus d’une trentaine de propositions où les femmes tiennent une place centrale.
Surpris dès son arrivée de découvrir en Lorraine une forte présence de la culture transalpine sous de multiples aspects, cela faisait plusieurs années que Benoît Bradel, le directeur artistique du festival, souhaitait réunir les forces créatrices italiennes à Metz. « Autour d’une programmation qui raconterait aussi l’histoire de ce pays que j’affectionne particulièrement et que je connais bien, dans ses voyages et migrations à travers le monde. Et en profiter pour présenter des artistes qui aujourd’hui ont du mal à exister dans leur propre pays. Le cœur marqué du festival est donc l’Italie cette année, mais comme à chaque fois on garde des affinités et des liens avec d’autres cultures. »
Liban, Slovénie, Ukraine forcément – avec, dans le cadre de la programmation musicale, Ragapop, deux des chanteuses de Dakh Daughters venu jouer au festival il y a 10 ans ; ou Hatice Özer, la jeune artiste franco-turque qui nous avait émus l’an dernier avec Le chant du père, pour Koudour, spectacle concert qui plonge dans la transe orientale et où elle implique le public. « Cela fait partie des missions qu’on s’est données d’accompagner des artistes au fil de leur parcours. »
Le Pérou sera aussi présent avec la version “extra libre” d’Hamlet de Chela De Ferrari et le Teatro La Plaza. Première française, c’est l’un des gros projets de cette édition, uniquement joué par des acteurs atteints de trisomie 21. « Ils racontent ce que c’est d’être ou ne pas être avec le handicap, ce qu’ils auraient aimé être, ce qu’ils sont et ce à quoi ils rêvent néanmoins. Autour de la pièce de Shakespeare, ils racontent une autre histoire, forte et très émouvante. Ils parviennent à changer notre regard sur le handicap et sa représentation dans la société. Particulièrement jubilatoire et très juste, il donne beaucoup d’espoir sur la nature humaine. Il nous semblait essentiel de le partager. »
Le second temps fort c’est la création chorégraphique de la turinoise Silvia Gribaudi avec le ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz, Variazioni di grazia. « Une artiste précieuse dont les pièces révèlent souvent beaucoup d’humour tout en étant très engagées. Elle fait sauter beaucoup de codes avec douceur et légèreté.
Elle présente aussi une autre pièce, R.OSA qui met en scène une comédienne très corpulente qui fait des choses incroyables dans un partage très joyeux avec le public.»
Le corps dans tous ses états est aussi une des thématiques abordées cette année. « On avait envie de proposer un autre regard sur le corps et la performance dans le dépassement de soi, comment il peut être transformé et transporté différemment. »
En vrac, quelques autres exemples de la richesse de l’édition : Abysses, autour du drame de Lampedusa, deux courtes pièces de la grande artiste Silvia Casta, Mission Roosevelt qui invite le public à traverser la ville en fauteuil roulant, ou encore Teatro Naturale ? Moi, le couscous et Albert Camus qui raconte comment des Italiens ont migré pour la France, y ont rencontré des républicains espagnols puis des Algériens et ont voulu ramener le couscous en Italie à la place des pâtes – couscous qu’on finira par goûter à l’issue d’un spectacle à la fois très intimiste et festif.
On ne vient pas à Passages comme on va au spectacle habituellement. On peut s’y plonger, enchaîner plusieurs choses et vivre au rythme du festival. Il y aura d’ailleurs un tournoi de scopa, des initiations à des danses italiennes rares. Autant de propositions parfois étonnantes mais pour autant très accessibles. « On veut montrer que le spectacle vivant peut prendre des formes très différentes, nous surprendre, nous amener dans des endroits qu’on ne soupçonnait pas. Et que la création contemporaine peut s’adresser à tout le monde. »
Du 3 au 17 mai à Metz et sur la région / passages-transfestival.fr