ÉDITO
« Que faire ? Réinventer le débat ? Cela fait des plombes qu’on blablate de la sorte, sans résultat… »
Nous assistons, sidérés, attristés, épatés (rayez les mentions inutiles), à de nouvelles séquences d’outrances télévisuelles et radiophoniques. Des professionnel(le)s du clash, médias et politiques complices, se lâchent et se vautrent dans la polémique. Ce n’est pas nouveau, le phénomène est naturel – parfois même salutaire pour éveiller les consciences – et fut résumé par Léon Zitrone, pilier de l’histoire de la télévision française : « Qu’on parle de moi en bien ou en mal, peu importe, l’essentiel est qu’on parle de moi ». Pas nouveau, certes, mais ce phénomène prend une ampleur considérable, souvent malsaine, avec des moyens de diffusion de l’information devenus ultra-rapides et peu coûteux. À tel point que nous assistons à une augmentation du nombre de citoyens cessant toute relation avec les médias et ne s’informant plus. Je pratique moi-même irrégulièrement l’abstinence ou commets un exil en RTBF, mate un vieux polar ou un dessin animé à l’aube, à l’heure où éclosent les scoops. Que faut-il faire face au propos délirant ? Se taire, laisser dire et laisser courir le dilemme « Qui ne dit mot consent », ou répondre, argumenter et, quoi qu’on dise, perdre beaucoup de temps, nourrir la polémique et renforcer la notoriété de son auteur. Nous sommes piégés. La nouvelle société médiatique a déplacé la question centrale et privilégie l’affrontement comptable – combien de likes ? – à l’échange philosophique – quelles idées ? Sale temps médiatique à l’air martial mais comportant toutefois l’avantage de nous inspirer et nous inviter à relire Jean de La Fontaine. Commençons par Le loup et l’agneau : « La raison du plus fort est toujours la meilleure » (choisissez l’adjectif qui sied à votre état d’esprit et remplacez fort par riche, gueulard, provocant, influent, proche d’un actionnaire ou annonceur d’un grand média). Nous disposons pourtant de nombreux médias, divers dans leurs lignes éditoriales et politiques, proposant des réflexions fondamentales et des tribunes et émissions réellement instructives. Que faire ? Réinventer le débat ? Cela fait des plombes qu’on blablate de la sorte, sans résultat. Comment traiter les chauffeurs de salle, les surexcités et fauteurs de fausses nouvelles, dont certains intéressent les psychiatres ? En se souciant de l’organisation des réseaux sociaux, très libertaire, mêlant médias d’infos, partis, entreprises, associations et individus, tous devenus peu ou prou rédactions et journalistes. Il est urgent de réglementer et, au passage, rappeler le concept et la valeur des métiers.