ÉDITO
D’où qu’elles viennent, qu’elles soient le fait d’experts ou de simples observateurs de la vie publique, il faut lire les réactions à l’entretien musclé, le 28 février, entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky. Ces commentaires livrent un état de l’opinion et indiquent l’évolution des relations entre Européens. Nous voyons aussi, et depuis longtemps, l’extrême difficulté qu’il y a à attraper Trump, à le combattre, lui et ses alliés, aux États-Unis, en Europe et en France.
Le président des États-Unis s’amuse telle une anguille, l’homme est brutal mais rusé, semblant insaisissable. Son ton, oscillant entre la violence verbale d’une petite frappe et le bla-bla du gars sympa, pratiquant la tape dans le dos, déroute et démolit tout espoir d’échange en nuance. Disons-le, nous sommes désemparés. Il a beau jeu, lorsqu’un interlocuteur met en débat sa vision démocratique très élastique, de rétorquer qu’il a été élu, démocratiquement et largement.
Il a beau jeu, lorsqu’on lui met sous le nez ses outrances machistes et racistes, de rappeler que 54% seulement des Américaines ont soutenu sa challenger démocrate, et que le vote hispanique progresse en sa faveur.
Il a beau jeu, lorsque nous le déclarons fasciste, de surfer sur la défaillance des mémoires et sur l’ignorance de la réalité et de la complexité de cette idéologie de la terreur ; celle-ci comporte de multiples aspects dont certains – culte de la tradition ou peur du modernisme – s’adaptent à une communication a priori normale, à des enjeux et sentiments dont on discute poliment sur les plateaux de télévision.
Trump prospère sur les doutes et les confusions, et parie sur les rapports de forces. Il prospère aussi, ne l’oublions pas, sur une réalité, sur un abandon – ou un sentiment d’abandon – des classes populaires et des classes moyennes, partout sur la planète. En lisant ces réactions, on note tout de même un progrès : nous mesurons mieux ce qu’il se passe aujourd’hui, un bouleversement géopolitique de très grande ampleur et un risque inédit depuis 1945.
La majorité des dirigeants européens, pas toujours en avance sur les opinions publiques, le ressent aussi, pleinement consciente que l’Europe doit maintenant s’unir et s’organiser, financièrement, militairement et économiquement. Une minorité de ces dirigeants nous alerte depuis longtemps. Est-il utile de le rappeler aujourd’hui ? C’est un fait, nous ne les avons pas écoutés, embourbés dans nos guéguerres nationales et souvent inutiles. La réponse de l’Europe, prise en tenaille entre de nouveaux alliés surprenants, Russie et États-Unis, ne doit pas être attendue comme le Messie mais entendue comme un appel à une union solide et durable.