EDITO
À deux ans de l’élection présidentielle, le rendez-vous occupe déjà tous les esprits. « Serez-vous candidat(e) à la présidentielle ? », la question jaillit rituellement quand un numéro 1 – d’un parti ou d’une chefferie quelconque – débarque sur un plateau ou dans un studio. La question devient banale, de l’ordre du réflexe, comme à l’arrivée d’amis chez soi : « Avez-vous fait bonne route ? ». Accros au buzz, comme un junkie à sa cocaïne, ils ne pensent qu’à ça.
Obsession française qui a pour conséquence de figer les politiques dans un rôle théâtral ou dans celui, plus désolant encore, du produit marketing. Leur parole se déroule comme un slogan, matraqué et élaboré avec des mots éveillant des émotions – comme dans la pub – pour éviter de susciter des réflexions ou de se risquer à la spontanéité. On peut établir aujourd’hui un dico du présidentiable avec par exemple le mot fonctionnaire, que le putatif candidat casera au moment de montrer sa rigueur budgétaire… et qu’importe si, depuis 50 ans, tous les courants politiques ont tenté diverses mesures et globalement échoué sur la question des déficits.
Le fonctionnaire bashing, très en vogue aujourd’hui, révèle un énorme paradoxe. Tandis que se multiplient les appels à baisser le nombre de fonctionnaires, y compris par une majorité de citoyens à travers des sondages et des études, d’autres sondages montrent un attachement au service public. Ils mettent en lumière des inquiétudes profondes sur l’abandon de certains territoires par la puissance publique, sur l’amplification d’une administration en ligne et sur le règne arrivant de l’intelligence artificielle. Ils soulignent l’angoisse des parents face à la pénurie d’enseignants, la détresse des policiers ou le désarroi des soignants, qu’on aime saluer en héros quand la peur nous tenaille.
Et l’on revient à la problématique linguistique car derrière le mot fonctionnaire, derrière les phantasmes qu’il crée, agit une multitude de salariés exerçant des métiers très variés, très loin de l’image du gratte-papier pépère, et indispensables au fonctionnement de notre société. Ce sont des assistantes maternelles, des techniciens de l’eau, des éboueurs, des mécanos, des gendarmes, des surveillants de prison, des animateurs sportifs, des informaticiens, des cuisiniers ou chauffeurs de bus.
Que la fonction publique produise des dysfonctionnements et des abus – comme toute organisation humaine – c’est un fait et c’est un énième problème à résoudre. Gardons-nous tout de même des idéologues préconisant de jeter le bébé avec l’eau du bain