Jean-Marc Baldinger est un cadre du Comité mosellan de sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et des adultes (CMSEA) dont « le but est de sauvegarder et promouvoir les possibilités d’accès à l’autonomie, à la dignité et à la solidarité pour les personnes en situation de vulnérabilité ». Un engagement exigeant mais exaltant. En parallèle, il préside Planet Aventure Organisation, dont les manifestations sportives promeuvent en grande partie « la lutte contre les violences faites aux femmes ». De par sa profession et ses différents engagements, il apporte un avis éclairé sur les sujets sociétaux mais aussi les crises que traversent le pays. Dernière en date, les émeutes qui ont secoué l’Hexagone durant quatre nuits entre le 27 et le 30 juin. Entretien.
Quelle analyse faites-vous de l’épisode récent des émeutes dans les quartiers en France ?
Cela découle d’un phénomène global lié pour moi à un changement de paradigme de société. Depuis quelques années, nous nous rendons compte de l’évolution de la crise climatique. Il ne faut pas oublier aussi la sortie du COVID, la période des gilets jaunes ou encore les différents scandales politiques qui ont créé beaucoup de défiance. Nous nous trouvons à un carrefour. Les dernières émeutes ne sont pas forcément rattachées uniquement à la mort de Nahel. À mon sens, cela est le reflet d’un cumul de changements sociétaux qui sont en train de se mettre en place. On parle beaucoup des jeunes de quartier mais il y avait aussi des gens de l’ultradroite, de l’ultragauche, des black bloc, des gilets jaunes ou encore des anarchistes. En 2005, ce n’était pas le cas. C’étaient exclusivement des gens de quartier. Les réseaux sociaux font force pour rassembler de manière très rapide et donner des consignes pour attaquer des symboles de la République. Il y a énormément de désinformation où règnent de faux experts. Nous avons constaté, par ailleurs, un phénomène de suivisme mais aussi une revendication d’un sentiment général d’inégalité et d’injustice. Aujourd’hui, il faut que cela fasse du buzz, que cela aille vite et que cela tape fort. Nous avons retrouvé des jeunes de 13-14 ans et je doute qu’ils aient une revendication politique. Nous vivons actuellement une crise où rien ne se construit. C’est donc complexe de décrypter ces émeutes où l’on constate de la récupération politique sur ce qu’il s’est passé. Cela aura, par conséquent, forcément un impact sur les prochaines élections.
Quelles sont les orientations à prendre, selon vous, pour que celles-ci ne se reproduisent plus ?
Pour moi, il faut travailler à différents niveaux. On sent que dans le social, les gens ont du mal à se projeter vers l’ avenir. Ils manquent de repères mais aussi d’un espace de débat réel. On est clairement dans une idée de confrontation. Dorénavant, il faut pouvoir échanger plus sereinement. En prévention spécialisée, comme nous intervenons dans les quartiers, nous essayons d’apprendre aux jeunes à déconstruire l’information. Nous menons pas mal d’opérations avec la Prox’aventure où nous implantons dans les quartiers un village avec des activités où prennent place la Police nationale, la Police municipale, les Sapeurs-Pompiers et les compagnies de transports en commun. C’est intéressant, car la rencontre se fait dans les deux sens et vient apporter plus de sérénité. Elle vient déconstruire les clichés des deux côtés, tant pour les institutions que pour les jeunes. Cela favorise le lien et la compréhension.
Quelles sont les solutions mises en œuvre en ce sens par les différentes collectivités ?
Le Gouvernement propose des mesures coercitives afin de dissuader. De mon point de vue, cela ne marchera pas car les jeunes n’ont pas conscience de cette dissuasion comme le retrait des allocations à leurs parents. Il y a aussi un déploiement de mesures sociales qui, certes, sont positives mais insuffisantes. Aujourd’hui, cela dépasse les frontières des quartiers. Ce sont des politiques à court terme alors qu’il faudrait des visions sur des années avec un suivi sur le terrain.
De votre point de vue, que proposez-vous ?
Il y a un travail à faire sur l’aide à la parentalité. Je pense notamment à l’accompagnement des parents afin de les aider à apporter des réponses éducatives. Nous devons créer à nouveau des passerelles entre les jeunes et la société mais aussi avec les politiques. Pour l’instant, on est dans une impossibilité de débat. Il faut renforcer le travail social dans les quartiers. Nous ne sommes plus assez dans l’œuvre de proximité. De la même manière, on peut remettre dans le débat le bienfait de la police de proximité qui permettait aux agents de connaître tout le monde. Cela créait du lien et sensibilisait les jeunes.