Le verdict attendu depuis des mois est tombé : l’offre retenue dans le dossier NovAsco scelle l’arrêt définitif de l’acier à Hagondange. Derrière la décision de la chambre commerciale de Strasbourg, ce sont des décennies d’histoire industrielle qui s’interrompent, des centaines d’emplois supprimés et une filière locale privée de son site emblématique. Entre colère, lassitude et interrogations, les salariés subissent la fermeture comme l’ultime épisode d’un enchaînement de renoncements, de promesses manquées et de revirements politiques et financiers.
Un site sacrifié, une page industrielle qui se tourne
La décision est tombée ce lundi 17 novembre devant la chambre commerciale de Strasbourg : l’offre de Métal Blanc est retenue dans le cadre de la liquidation judiciaire de NovAsco. À Hagondange, l’annonce a été accueillie comme un couperet. L’usine, spécialisée dans les aciers fins destinés à l’automobile et considérée comme la plus symbolique du groupe, ne sera pas reprise. Elle ferme définitivement, entraînant la suppression de 430 emplois et l’arrêt de la coulée d’acier par four électrique, ultime vestige d’un savoir-faire qui faisait encore la fierté de ce territoire sidérurgique. Métal Blanc ne garde que le site de Dunkerque, soit un laminoir et une activité de parachèvement représentant environ 150 postes. Les unités de finition de Nancy-Custines et Saint-Étienne Marais ne figurent pas dans l’offre. Pour les salariés mosellans, cette issue apparaît comme la conclusion d’une décennie de sursis successifs, rythmée par quatre redressements judiciaires en onze ans, une succession de promesses de reprise et l’absence chronique d’investissements pérennes.
Des salariés en lutte, entre Strasbourg et Bercy
Quelques jours avant le verdict, près de soixante-dix salariés avaient déjà quitté Hagondange pour se rendre devant le tribunal de Strasbourg. Ils y avaient appris que leur site allait cesser son activité. Le lendemain, un nouveau départ les conduisait à Paris : une délégation représentative des quatre sites avait rendez-vous à Bercy avec Sébastien Martin, le ministre chargé de l’Industrie.
Au cœur des échanges figurait l’accompagnement social, enjeu central pour des salariés qui refusent de se contenter du minimum légal. Le ministre a indiqué avoir sollicité des discussions avec le dirigeant de Greybull, propriétaire du site depuis un peu plus d’un an et considéré par les représentants du personnel comme responsable d’engagements non tenus, notamment en matière d’investissements. L’idée d’une indemnité supra-légale a été évoquée, sans engagement formel. La délégation espère obtenir une réponse la semaine suivante. Pour étayer cette revendication, l’intersyndicale met en avant la valeur des stocks, des machines et des actifs industriels, estimés à 85 M€, qui permettront de couvrir en partie le passif mais pourraient aussi contribuer à financer un meilleur accompagnement social. Quant à l’avenir du site lui-même, le ministre dit vouloir éviter son abandon, mais les contours d’un éventuel projet restent totalement flous.
Un long naufrage industriel
Les salariés vivent ce dénouement comme la conclusion d’un cycle d’espoirs contrariés. Depuis mars 2024, l’histoire de NovAsco — ex-Ascometal — a été marquée par une succession de rebondissements qui ont accentué la lassitude et la perte de confiance.
Le premier choc intervient lorsque l’aciériste italien Venete se retire d’une offre de reprise pourtant attendue, plongeant les 1 200 salariés du groupe dans l’inquiétude. L’industriel reviendra en avril, puis renoncera à nouveau en mai, malgré l’engagement de l’intercommunalité Rives de Moselle à apporter 15 M€. L’espoir renaît en juillet : Greybull, fonds présenté comme spécialiste du redressement, rachète l’ensemble, accompagné d’un soutien de l’État de 85 M€. Ascometal devient alors NovAsco. Mais quelques mois plus tard, l’accident du 25 novembre, qui a grièvement blessé deux ouvriers, marque un tournant. En juillet 2025, les difficultés financières ressurgissent : la trésorerie ne suit plus, Greybull n’a pas respecté ses engagements et l’usine est bloquée plusieurs jours. L’été s’achève sur un nouveau redressement judiciaire, le quatrième depuis 2014.
La rentrée apporte un semblant d’espoir : une marche citoyenne en septembre rassemble près de 700 personnes à Hagondange, tandis que Métal Blanc se dit prêt à reprendre. Mais le 27 octobre, l’entreprise se retire brutalement. Le tribunal devait trancher le 31. La décision du 17 novembre confirme l’issue redoutée : Hagondange perd son acier.
Avec cette fermeture, la Moselle voit disparaître une industrie qui avait façonné son identité. L’inquiétude porte désormais autant sur le devenir des salariés que sur l’avenir d’un territoire déjà éprouvé par la désindustrialisation. Les questions demeurent, sans réponse immédiate : quel projet pour le site ? Quel soutien pour les familles concernées ? Et comment éviter que l’histoire de NovAsco ne se répète ailleurs ?
Réaction de Patrick Weiten, Président du Département de la Moselle :
« Je tiens à leur exprimer, à tous, ma solidarité totale. Je mesure pleinement l’épreuve humaine, sociale et professionnelle que représente cette décision. Depuis le retrait de l’offre de reprise par le groupe Métal Blanc, je me suis immédiatement mobilisé, avec l’ensemble du Conseil départemental de la Moselle, pour tenter de trouver une issue favorable. (…) J’ai insisté sur la gravité de la situation, l’urgence d’un accompagnement renforcé et la nécessité impérieuse d’un engagement clair de l’État. (…) Ils doivent aujourd’hui être accompagnés et soutenus avec dignité et respect. La perte d’un site industriel de cette envergure est un choc pour Hagondange et pour la Moselle. »
Réaction de Frank Leroy, Président de la Région Grand Est :
« Alors qu’en France s’ouvre une semaine consacrée à la valorisation de l’industrie, l’annonce de la liquidation de l’usine d’Hagondange est un choc. (…) Je veux d’abord avoir une pensée pour les salariés, leurs familles et l’intersyndicale, qui se battent avec courage et responsabilité depuis des années. (…) La décision de liquidation ne doit pas être synonyme de renoncement. (…) Si une chance subsiste de ne pas démanteler cette usine, nous devons nous donner collectivement les moyens de la saisir. (…) Ce combat n’est pas terminé ! »








