La longue et presque unique carrière de Denis Bettinger au sein de l’UEM – ex Usine d’Électricité de Metz – masque un itinéraire en fait très diversifié. De son enfance dans la vallée de la Fensch, où le mélange des cultures s’imposait naturellement, à la fondation de Rafael, une association « dédiée aux enfants malades » et créée en mémoire de Rafael Fiorina « parti rejoindre les étoiles à l’âge de 14 ans », l’humain tient Denis Bettinger. Même lorsqu’il détaille ses missions de directeur commercial de l’UEM, où « aujourd’hui, crise de l’énergie oblige, on rassure plus qu’on ne vend », le fil de son propos dévoile toujours le besoin de lier l’acte à la parole, au geste, au regard, à un mouvement d’humanité : « Ma passion numéro un, c’est l’humain. Cela veut dire notamment que ma famille compte beaucoup. Par ailleurs, j’ai eu toute ma vie une passion pour le sport, particulièrement pour le rugby. Quand vous arrêtez de pratiquer, vous disposez alors de temps et de d’énergie disponibles, ce qui m’a permis de m’investir à l’université, en parallèle de mes activités professionnelles. Je me suis ensuite engagé dans l’associatif mais je ne savais pas trop quelle direction prendre. Et puis un jour la cause vient à vous… ». Il fonde Rafael, après une rencontre déterminante avec le professeur Pascal Chastagner, chef de service au CHRU de Nancy, spécialiste des cancers de l’enfant.
A Algrange, les pères de mes copains étaient pour la plupart mineurs ou travaillaient chez De Wendel, dans la sidérurgie. Mon père, employé communal, faisait un peu exception ». Denis Bettinger décrit une enfance en mode melting-pot fabuleux : « On avait des dizaines de copains, on était tout le temps dehors, on n’avait pas un sou mais on était heureux. Pour nourrir ses quatre enfants et compléter un peu ses revenus, mon père faisait un deuxième job, concierge pour les HLM, mais il n’avait pas à régler des problèmes sociaux, tout le monde s’entendait très bien. Et quand un Algérien partait en vacances dans son pays natal, il nous ramenait des babouches et du couscous. Idem pour les Italiens qui nous ramenaient des sauces tomates, c’était une vie d’insouciance ». Après l’école à Algrange, le lycée à Hayange, Denis Bettinger met les voiles, les petites, direction Belfort pour un DUT en électrotechnique. Il en accroche de plus grandes pour pousser jusqu’à Montpellier et décroche un diplôme de technico-commercial. Après plusieurs années d’activités professionnelles, il reprendra un temps la route des études et entrera à l’ICN – Institut Commercial de Nancy. L’enseignement supérieur, il le redécouvre de l’autre côté de l’estrade, en Maître de conférences, professeur et chercheur en marketing pendant 24 ans à l’université de Metz. Même démarche que son paternel en quête d’un second job mais la motivation tournait ailleurs : « J’ai toujours aimé être un touche-à-tout et ce travail à l’université me permettait de rester au contact de la jeunesse en permanence. Je me souviens que je démarrais toujours l’année avec la même phrase : « Je suis sur la pente glissante et incontournable des vieux cons, je sais que j’y arrive mais grâce à vous, j’y arriverai moins vite ». Il faut absolument tenir compte de ces jeunes publics. Avec eux, j’ai beaucoup travaillé sur le marketing industriel, qui est ma spécialité ». Sa « peur de la routine » lui fait négocier presque avec gourmandise les virages entrepris par l’UEM, notamment le passage de la situation de monopole à celle de mise en concurrence en 2000. À cela, s’ajoute plus récemment le bouleversement des particuliers qui peuvent choisir leur fournisseur d’électricité, « et ça a tout changé pour nous ». Entré à l’UEM en 1983, lorsqu’elle était encore régie municipale, l’UEM a évolué au gré du marché, devenue Société d’économie mixte en 2008, détenue à 85 % par la Ville de Metz et à 15 % par la Caisse des dépôts et consignations. Quarante années l’ont fait passer d’un monde à l’autre, d’un temps clément, « où la Moselle était plus riche, plus industrielle », à du gros nuage avec la récente crise de l’énergie. Aujourd’hui, la période est sensible, les réunions de crise se succèdent et les annonces gouvernementales sont suivies « de très très près ». « C’est très tendu, reconnaît Denis Bettinger, mais nous sommes très présents par des contacts personnalisés car notre image a toujours reposé sur la qualité du service ». Dans son engagement associatif et bénévole, l’énergie circule aussi promptement. Tout est parti d’une envie simple : être utile. « Je n’étais pas en recherche d’opportunité mais en attente d’un élément déclencheur, celui qui vous fait choisir une cause. Dans un premier temps, j’avais postulé pour être famille d’accueil pour des associations qui recueillent des enfants abandonnés. J’avais également proposé ma candidature pour être un écoutant à SOS Amitié et j’avais même proposé ma candidature aux Petits princes, très proches de ce que je fais aujourd’hui. J’avais envie de faire des choses mais ce qu’on me proposait dans ces structures ne me passionnait pas ». L’élément déclencheur s’annonce avec le cancer de Rafael, le fils de son cousin. Denis Bettinger lui propose de l’aide. « Il se trouve que le gamin était passionné de foot et un jour il est reçu au PSG et le président Molinari [ancien président du FC Metz, NDLR] lui ramène un maillot dédicacé par Bixente Lizarazu. J’ai vu l’impact extraordinaire que cela avait sur cet enfant malade, c’était incroyable de voir comment un simple maillot avait presque l’effet d’une chimiothérapie. Ça m’avait énormément touché. Rafael est malheureusement décédé au bout de deux ans de lutte contre la maladie ». L’idée de réaliser des rêves d’enfants, à l’échelle d’une région prend alors corps et s’institutionnalise sous le nom de Rafael. Comme un clin d’œil fraternel et reconnaissant à cet enfant, en quelque sorte cofondateur de ce concept lumineux.
Quand les étoiles deviennent accessibles
La plupart des enfants mosellans atteints de cancer (85 % environ) sont pris en charge au CHRU de Nancy dans le service de Pascal Chastagner. C’est avec l’aide de ce professeur que Denis Bettinger fonde l’association Rafael, dont l’une des principales activités est de réaliser le rêve d’un enfant atteint d’un cancer, « d’un gosse en panne de moral ». Le lien avec le CHRU est essentiel, car ce sont les médecins qui décident : quels enfants, quels projets, quelles périodes et ce, pour demeurer en parfaite adéquation avec les soins et organiser les déplacements dans des conditions optimales de sécurité. « C’est toujours le médical qui prime, on ne fait jamais rien sans l’avis des médecins », précise Denis Bettinger dont l’association propose une variété impressionnante d’opérations, fondées à partir des rêves des enfants. Certains ont ainsi rencontré des stars (Patrick Bruel, Kylian Mbappé, Julien Doré, Rafael Nadal, Dan Carter, etc…), d’autres ont passé la journée sur un bateau engagé sur la Route du rhum, à Europa Park, au parc animalier de Sainte-Croix, au FC Metz, au PSG, à Disney Land, dans la voiture d’un pilote de course, d’autres nageront bientôt aux côtés du champion Théo Curin ou partiront en Laponie… rencontrer le Père Noël. Des centaines d’étoiles devenues accessibles grâce à la création de cette association, l’action des bénévoles, la disponibilité des stars et des sites d’accueil et l’implication financière de nombreux mécènes.
Contacts, renseignements, dons :
www.rafael-lorraine.fr – facebook.com/RafaelLorraine