« L’idée que les drogues comme le tabac et l’alcool apporteraient des bénéfices à l’État grâce aux taxes générées est totalement infondée. Les drogues appauvrissent la collectivité ». Le propos est de Pierre Kopp, professeur d’économie à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne qui introduit sans équivoque la notion de coût social, ici du tabagisme.
Le concept du coût social d’une activité englobe deux composantes principales : le coût privé et le coût externe. Le coût privé représente les dépenses directement assumées par l’individu ou l’entité qui entreprend l’activité en question. Par exemple, dans le contexte du tabagisme, le coût privé inclut le prix d’achat des cigarettes, ainsi que les dépenses de santé liées aux maladies provoquées ou aggravées par cette habitude.
À côté de cela, le coût externe se réfère aux dépenses ou aux préjudices subis non pas par le fumeur lui-même, mais par d’autres parties de la société. Ces coûts peuvent être variés et inclure, par exemple, les soins de santé supplémentaires nécessaires pour traiter les maladies liées au tabagisme chez les non-fumeurs exposés au tabagisme passif, la perte de productivité due à la morbidité et à la mortalité prématurée, les coûts liés à la pollution environnementale et même l’impact sur les services de secours et de nettoyage urbains.
Le tabagisme impose donc un fardeau économique considérable. Les experts mettent en lumière un décalage important entre le prix de vente du tabac en buraliste et le véritable coût social engendré par la consommation de cigarettes. Ce dernier englobe des aspects bien au-delà de la simple transaction commerciale, affectant la santé publique, l’économie et l’environnement de manière profonde et étendue.
Ce déséquilibre financier soulève une question fondamentale : le prix d’achat d’un paquet de cigarettes par les fumeurs couvre-t-il réellement l’ensemble des coûts sociaux induits par leur consommation ? La réponse est clairement négative. Les experts et les associations anti-tabac vont même jusqu’à suggérer que le « vrai » prix d’un paquet devrait avoisiner les 100 euros pour refléter fidèlement ces coûts externes.
En résumé, le coût social du tabagisme transcende largement le cadre individuel, impliquant une multitude de facteurs indirects qui pèsent sur les épaules de la communauté dans son ensemble. Reconnaître et quantifier ces coûts est essentiel pour élaborer des politiques publiques efficaces visant à réduire la prévalence du tabagisme et à atténuer ses effets délétères sur la société.
Quand la santé publique rencontre la réalité sociale
Le prix du paquet de cigarettes en France, qui pourrait dépasser les 13 euros d’ici 2027, le débat sur le coût social engendré par le tabagisme se fait plus pressant. Cette hausse des prix, bien que conçue comme une incitation à réduire la consommation de tabac, soulève des questions complexes sur ses effets à long terme sur la société française.
L’augmentation du coût du tabac est souvent perçue comme un levier efficace dans la lutte contre le tabagisme, une addiction qui touche des millions de personnes. Néanmoins, cette stratégie n’est pas dénuée de risques. Le tabagisme, reconnu comme une dépendance sévère, nécessite souvent un soutien spécialisé pour ceux qui cherchent à s’en libérer. Or, la réalité socio-économique des fumeurs est diverse, et une augmentation significative du prix des cigarettes pourrait aggraver la situation des individus les plus vulnérables, les plongeant dans une précarité encore plus profonde.
En outre, cette stratégie de dissuasion par le prix n’est pas sans conséquences sur le marché parallèle. L’attrait pour le marché noir et le commerce transfrontalier de tabac semble s’intensifier en réponse aux hausses de prix, comme en témoigne l’augmentation significative des saisies douanières ces dernières années. Cette situation met en lumière la complexité de la lutte contre la contrebande, qui devient de plus en plus ardue au fur et à mesure que les prix officiels grimpent.
Ce dilemme souligne la nécessité de trouver un juste milieu entre l’objectif de réduire la consommation de tabac et les risques d’effets secondaires indésirables, tels que l’exacerbation de la précarité économique ou l’essor du marché noir. Il est impératif que les stratégies de lutte contre le tabagisme s’accompagnent de mesures de soutien adaptées, qui prennent en compte la complexité de l’addiction au tabac et les réalités socio-économiques variées des fumeurs.
Par conséquent, le chemin vers une société moins dépendante au tabac doit être parcouru avec prudence et compassion. Cela implique non seulement d’adopter des politiques de prix réfléchies mais aussi de renforcer les programmes d’accompagnement au sevrage, d’améliorer l’accès aux traitements de la dépendance et de mettre en place des initiatives sociales visant à atténuer les inégalités. Seule une approche globale et inclusive permettra de surmonter les nombreux obstacles qui jalonnent la route vers la réduction du tabagisme, tout en veillant à ce que les mesures prises ne laissent personne sur le côté.