Résidant à Farébersviller, Samira Essyam éblouit par son sourire et sa joie de vivre. Malgré la maladie ? Oui et non. Car son cancer du sein, diagnostiqué il y a un an, constitue aussi une force créatrice. Il a fait émerger de nouveaux projets dans sa vie, composés de rencontres, d’échanges et d’actes solidaires. « Depuis que j’ai ces projets en tête, je sais ce que je veux dans ma vie. Je n’ai même plus peur ». « Elle a un tempérament terrible », résume sa tante Nathalie Furno.
Dans son programme d’intentions, la création de l’association « En voiture Simone » avance à bonne allure. Pour le titre, l’idée vient d’un ami et ancien voisin de Samira : « Quand il me voyait partir, il me disait toujours : allez hop, en voiture Simone. Et c’est resté ». La formule est ancienne – la Simone en question a réellement existé – et les amateurs d’Intervilles se souviennent probablement de Guy Lux chantant cette rengaine à sa complice Simone Garnier. Mais pour Samira et ses associé(e)s, la notion de voiture et de route prend une place dominante : « La route, c’est significatif, c’est l’idée de rouler, de continuer, malgré les embûches. C’est l’idée de liberté aussi, c’est l’expression d’une volonté, il faut se bouger. Pas question d’attendre la mort sur un canapé ». L’association, pour l’heure, s’installe, « les statuts sont déposés et on attend l’enregistrement. Nous sommes dans la phase d’élaboration des activités. L’objectif central, c’est de développer l’entraide et la solidarité en direction des malades et des aidants. C’est important de souligner le travail et la présence des aidants parce qu’ils mettent aussi leur vie entre parenthèses [lire par ailleurs]. On veut leur donner du bien-être et concevoir des moments d’évasion sur les routes. Notre envie, c’est de faire du bien autour de nous ». Sa tante et secrétaire de l’association – dont Samira Essyam est la présidente –, Nathalie Furno, complète : « On souhaite mener un travail en partenariat avec les hôpitaux, pour bien cibler les publics, ainsi que les maisons des aidants. Nous sommes aussi en recherche de financements et menons actuellement un travail de rencontres avec de potentiels sponsors ou mécènes ». Plusieurs fondations, institutions, collectivités et élus – et pourquoi pas Monsieur le Ministre, par ailleurs mosellan, de la Santé ? – sont inscrits sur le calepin des prochains rendez-vous à caler : on n’imagine pas toujours à quel degré la solidarité s’avère chronophage. Joyeuse et jubilatoire aussi. Côté hôpitaux, l’idée reçoit un bon accueil. Samira Essyam confirme : « J’ai été opérée à Claude-Bernard et c’est la coordinatrice de cet hôpital qui a pris contact avec moi, elle avait vu un article sur moi, elle avait constaté mon évolution : vous avez changé, m’avait-elle dit. Il faut préciser qu’il y a un an, j’étais effondrée. Ce qu’il m’arrivait, c’était la cata ! Elle a vu que je me bougeais et quand je lui ai expliqué le projet d’association, elle a évoqué un possible partenariat ». « En voiture Simone », probablement, recevra de nombreux soutiens. Samira Essyam a déjà constaté la réalité de la solidarité, le mois dernier, à l’occasion d’un projet plus personnel, également fondateur : « Les médecins m’ont clairement dit, dès le début, qu’il fallait que je porte des projets. En parlant avec mes enfants, Lina et Ryad, des enfants adorables, ils m’ont rappelé que mon rêve était de prendre un camping-car et qu’on parte sur les routes. Le problème, c’est que je n’ai pas d’argent pour ça. Ils m’ont alors proposé de réaliser une cagnotte ». Par le bouche à oreille, et la mobilisation de proches et d’anonymes, l’info est allée de Nono, restaurateur du Mehditerranée jusqu’à son ami Fabien Struvaldi, dont la société basée à Forbach se spécialise notamment dans la location de véhicules équipés. Il lui a offert le prêt d’un van pour partir le week-end de la fête des mères, direction l’Alsace. Dans la troupe des généreux, on trouve une fleuriste, un salon d’esthétique, des mamans comme elle, élevant leurs enfants seules, et puis la boulangerie de Théding, pour laquelle Samira travaillait. « Réservée », elle parle peu de sa vie privée, lâche quelques bribes – à la deuxième relance – acceptant qu’on la cerne mieux. Livreuse pour une boulangerie, secrétaire, Samira Essyam travaille un temps pour la Sonacotra (Société nationale de construction pour les travailleurs algériens). Sa franchise est savoureuse : « Que vous dire d’autre ? Que j’ai quarante ans, que je me suis mariée jeune et que j’ai aussi divorcé jeune, que j’aime lire Amélie Nothomb, j’aime lire en général mais ça me barbe vite parce que je perds le fil. Maintenant, j’écoute en audiolivre. J’aime aussi les moments de détente chez des amis, c’est un de mes dadas, j’aime faire la fête. En fait, j’apprécie les plaisirs simples de la vie. Je pratique par exemple la méditation en plein air, j’aime particulièrement aller sur les hauteurs de Théding et admirer la Ligne bleue des Vosges ». Elle évoque alors l’horizon, les routes qui y conduisent et revient toujours, très vite, aux ailleurs, aux autres, spécialement ses enfants, ses dadas numéro un : « Je passe énormément de temps avec mes enfants, des temps d’échange. On se fabrique des souvenirs. Je crois qu’on a tous envie de laisser une trace. Pour moi, en tout cas, c’est important, c’est ma fierté, c’est pour mes enfants ». Elle est terrible, Nathalie a vu juste. Terriblement élégante.
« On est des humains, on se comprend. »
On les nomme « les triplettes », ces femmes atteintes d’un cancer du sein dit « Triple négatif », avec une stratégie de traitement particulière. Après l’effondrement, à l’annonce de la maladie, Samira Essyam a suivi les conseils de ses médecins : « ayez des projets ». Elle a doublé la mise et projette pour les autres. Dans ses actions en cours, elle cite les soignants, les malades, sans jamais oublier les aidants, ces onze millions de Français, souvent invisibles, dont deux millions « d’aidants les plus impactés », conjoints, parents et enfants essentiellement, apportant autour de 35 heures par semaine de leur temps. Ils accompagnent au quotidien des personnes malades, âgées et/ou en perte d’autonomie. Un peu comme un séjour en prison, on ne connaît bien les soucis et contraintes créés par une maladie – d’ordre sanitaire, certes, mais aussi social, financier, professionnel, relationnel – que lorsqu’on les vit vraiment. Samira Essyam : « Ces aidants, on commence seulement à les reconnaître. Pourtant, ils sont formidables, ils veulent tout donner mais se sentent impuissants. Je l’ai constaté avec ma mère, elle venait chez moi, j’habitais au 4e étage, elle faisait à manger, elle subissait aussi mes humeurs. Les humeurs changent beaucoup quand on subit une telle maladie. On n’a pas envie de se montrer comme ça et on devient parfois exécrable. Et elle endossait. C’est vraiment une maman extraordinaire ». Au-delà du cercle familial, Samira perçoit les hésitations dans les entourages, « ceux qui marchent sur des œufs avec une personne malade». Elle rassure : « Vous savez, on est tous différents, mais on est tous des humains, on se comprend ».
solidariteenvoituresimone@gmail.com