Plutôt que de se focaliser sur un pays ou une région du monde comme elle le faisait jusqu’alors, l’édition 2022 de Passages Transfestival, nous invite à redéfinir notre vision de l’Europe. Donc notre rapport à l’autre et, forcément, à nous-même.
En affichant cette année son identité sous la bannière TransEuropa, après le Brésil en 2021, le festival dont le nom a mué l’an passé en Passages Transfestival, affirme le nouvel élan que souhait lui insuffler Benoît Bradel, son directeur artistique et général, à son arrivée en 2019. « Un projet transdisciplinaire, transfrontalier, transeuropéen, transcontinental qui puisse s’intéresser aussi à la question de la transmission entre générations à travers le spectacle vivant. » Une manière de traverser beaucoup de choses.
Avec le choix de l’Europe comme terrain de jeu cette année, l’enjeu est de taille tant notre continent est multiple, compliqué à circonscrire.
« J’ai découvert la notion transfrontalière très forte de la région en arrivant. Mais j’avais envie de raconter aussi cette ébullition européenne, éprise de liberté. Montrer que beaucoup d’artistes sautent des frontières et travaillent dans toute l’Europe. On retrouve donc des collaborations entre un portugais et une tchèque, un suisse et un finlandais, une belge et un lituanien… Une manière d’interroger de manière ludique ou sérieuse ces questions de frontière. Qui trouve aussi un écho à travers ces artistes d’autres continents devenus européens pour travailler, ils viennent raconter de quelle manière ils vivent cette Europe. »
L’affiche est foisonnante avec 25 spectacles, et 10 concerts d’artistes venant du spectacle vivant, à la présence scénique très forte.
Avec un bel équilibre entre les créations ou découvertes, et les spectacles emblématiques, inscrits dans l’histoire du spectacle vivant. C’est le cas de trois projets de groupes : Crowd de Gisèle Vienne, 20 danseurs pour le XXe siècle et plus encore de Boris Charmatz ou Frontera / Border d’Amanda Piña, artiste mexicano-chilienne devenue autrichienne – une pièce donnée pour la première fois en France, qui part de l’histoire de la frontière entre le Mexique et les USA et la transpose en Europe.
Côté découvertes, Le Chant du père d’Hatice Özer, française d’origine turque qui invite son père Yavuz, turc d’Anatolie, pour une histoire sensible de transmission ; Frontalier, texte poétique de Jean Portante écrit à Scy Chazelles porté par Jacques Bonnaffé ; Eastern Loves d’Hotel Europa, création autour de la fuite du fascisme au Portugal et de l’accueil par le communisme, et donc de liens entre européens très éloignés ; ou Se respira en el jardín como en un bosque de la compagnie El Conde de Torrefiel, pièce au casque pour un spectateur unique qui devient acteur, « qui interroge notre façon d’agir, de regarder, d’accepter l’autre », donnée pour la première fois en français.
Les coups de coeurs de Benoît Bradel ? « Le Chant du père, le spectacle d’ouverture Le portrait de Raoul, raconte cette arrivée depuis le Salvador vit entre France, Espagne, Portugal, Allemagne très européen ou Koulounisation un constat ludique puis étonnant sur notre rapport à la colonisation. »
Autant d’invitations à se laisser surprendre, à glisser dans une aventure humaine. Mais le festival c’est aussi un village, le QG, à l’esprit convivial. Où l’on part à la rencontre du public ou d’artistes. Tels le metteur en scène ukrainien Vlad Troitskyi et la metteuse en scène Tatiana Frolova qui a fui son pays après avoir écrit un brûlot sur Poutine, présents pour une soirée de discussion.
C’est toute la pertinence de l’édition 2022 de Passages Transfestival que de rentrer en résonance avec ce qui fait l’Europe aujourd’hui. De montrer la constante redéfinition du statut d’européen. Et comment les rapports entre nous se réinventent.
Du 5 au 22 mai
passages-transfestival.fr