Selon l’Observatoire territorial transfrontalier (partenariat entre l’AGURAM et l’Eurométropole de Metz), 126 600 Français traversent chaque jour la frontière pour travailler au Luxembourg, dont plus de 90 % résident en Lorraine. Si le rythme de croissance ralentit, la Moselle nord demeure le principal moteur de ce flux transfrontalier, marqué par des contrastes territoriaux et des tensions persistantes sur le marché de l’emploi.
Une progression plus lente
D’abord, le nombre de salariés lorrains au Luxembourg a progressé de 2 % en un an, soit 2 440 personnes supplémentaires. Si la croissance reste supérieure à la moyenne des frontaliers toutes nationalités confondues (+0,9 %), elle demeure bien en dessous des niveaux observés avant la pandémie. Avec 126 600 actifs concernés, les résidents français représentent près d’un quart des emplois occupés au Grand-Duché.
Mais cette dynamique est inégale. Alors que la Belgique et l’Allemagne voient reculer leurs effectifs, la Lorraine continue d’alimenter la hausse. L’Espace nord-lorrain concentre 114 700 travailleurs, soit plus de 90 % du total lorrain. Ce poids écrasant confirme que la géographie reste un facteur clé : c’est la Moselle, avec ses intercommunalités frontalières, qui fait vivre cette économie transfrontalière.
Enfin, l’attractivité du marché luxembourgeois reste un moteur puissant, malgré un ralentissement des créations d’emplois. En revanche, la dépendance croissante des territoires lorrains à cette dynamique interroge, car elle s’accompagne de fragilités locales.
Metz et son agglomération : un rôle moins central
Par ailleurs, le SCoTAM (Schéma de cohérence territoriale de l’agglomération messine) illustre bien ce basculement. Entre 2024 et 2025, les salariés lorrains au Luxembourg y progressent de 2,4 %, une hausse plus vive qu’en 2023. Mais cette moyenne cache des écarts notables.
En effet, hors Eurométropole, la progression atteint 3 %. Le Pays Orne-Moselle gagne 190 salariés (+3,9 %), Rives de Moselle +140 (+2,5 %) et Mad & Moselle +5,6 % (sur une base réduite). Ces territoires bénéficient d’une démographie dynamique et de prix immobiliers plus accessibles, ce qui attire de jeunes ménages.
À l’inverse, dans l’Eurométropole de Metz, la hausse se limite à 1,7 %. Cette décélération reflète la situation du marché local. Les actifs qualifiés, longtemps un atout, peinent à trouver de nouvelles opportunités dans les secteurs en difficulté : information, communication, finance, assurance. Autrefois moteur, l’agglomération messine semble désormais dépassée par ses périphéries.
Métiers en tension : un miroir entre Lorraine et Luxembourg
De plus, le marché du travail révèle une asymétrie inquiétante. En Lorraine, l’industrie, le bâtiment et la gestion d’entreprise manquent toujours de bras. Mais certains secteurs connaissent un répit : santé, informatique, hôtellerie-restauration et transport voient leurs tensions diminuer.
En comparaison, au Luxembourg, le tableau est différent. Les besoins deviennent critiques dans la maintenance industrielle, la mécanique, la carrosserie et les transports ferroviaires. Fait marquant : le BTP, victime de la crise immobilière, autrefois en forte pénurie, sort désormais de cette catégorie.
En outre, huit domaines professionnels sont pourtant en tension des deux côtés : la maintenance industrielle, la mécanique industrielle, la carrosserie, la recherche et développement, l’ingénierie technique, la gestion d’entreprise, la banque, les soins infirmiers. Ce socle commun montre à quel point le marché de l’emploi est intégré. Mais il souligne aussi une fracture : certains métiers très recherchés au Luxembourg ne le sont pas en Lorraine, et l’inverse est vrai.
Ainsi, ce déséquilibre complique la mobilité des travailleurs et questionne les politiques de formation. Les besoins réels des deux marchés, pourtant voisins, ne convergent pas toujours.
Quel avenir pour le marché transfrontalier ?
D’un côté, le ralentissement de la croissance et les mutations sectorielles invitent à réfléchir. La Moselle nord conserve son rôle de moteur mais l’agglomération messine perd de son influence. Les périphéries, plus accessibles, gagnent en attractivité.
De l’autre, le décalage entre les métiers en tension en Lorraine et au Luxembourg devient un enjeu crucial. Il faudrait renforcer la coopération pour adapter la formation et faciliter la mobilité. Sinon, le risque est de voir s’élargir le fossé entre deux territoires pourtant interdépendants.
En conclusion, la question dépasse les chiffres : il ne s’agit plus seulement de compter les salariés lorrains au Luxembourg, mais d’assurer la qualité des parcours, l’adaptation aux besoins réels et la durabilité de cette dynamique.
Chiffres-clés salariés lorrains au Luxembourg
• 126 600 salariés français au Luxembourg en 2025
• +2 % en un an, soit +2 440 personnes
• 114 700 dans le nord de la Lorraine (90 % du total lorrain)
• 1,7 % de hausse seulement pour l’Eurométropole de Metz
• 8 métiers en tension des deux côtés de la frontière
Pour télécharger la publication de l’Observatoire territorial transfrontalier Mémo chiffres-clés 2025 : https://www.aguram.org/wp-content/uploads/2025/09/2025_transfrontalier_memo_04.pdf