Nouveau film du cinéaste engagé Rachid Bouchareb, Nos Frangins raconte un épisode douloureux de l’histoire de France, entre images d’archives et scènes intimistes.
Rachid Bouchareb est de ces réalisateurs qui refusent de fermer les yeux sur les atrocités de l’humanité : dans chacun de ses films se déploie une page sombre de l’histoire qu’il nous faut regarder en face. Après Indigènes (2006), ses tirailleurs et goumiers venus de l’Algérie et du Maroc pour faire la guerre en Europe en 1943, après Hors-la-loi (2010), ses fellagas et le récit des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, faisant par ailleurs grand bruit en France au moment de sa sortie, le cinéaste franco-algérien s’attaque à l’affaire Oussekine. Rachid Bouchareb fait partie de la génération qui a connu les débats virulents sur la question de l’intégration des personnes issues des anciennes colonies françaises, qui a été témoin de la Marche des Beurs en 1983, de la naissance de SOS Racisme en 1984, et qui a constaté la multiplication des violences policières envers les immigrés. L’affaire Oussekine, il l’a vécue de plein fouet, alors que son tout premier film, Bâton Rouge, était sorti un an auparavant. Jusqu’à 2022, il a semblé que ce terrible épisode avait sombré dans l’oubli, à défaut d’être commémoré. Mais en mai, la plateforme de streaming Disney+ sort une mini-série sobrement intitulée Oussekine. Pure coïncidence ou non, c’est au tour de Rachid Bouchareb de signer ce mois-ci une interprétation de l’affaire. Nous sommes en décembre 1986. Depuis quelques semaines, les étudiants sont dans la rue pour manifester contre le projet de loi Devaquet : cette dernière prévoit une réforme de l’entrée à l’université, qui passerait alors par une sélection, ainsi qu’une mise en concurrence des différents établissements. C’est dans ce contexte que, dans la nuit du 5 au 6, Malik Oussekine, âgé de 22 ans, est frappé à mort par trois voltigeurs, des CRS montés à moto. S’il était étudiant, il n’a jamais pris part au mouvement contestataire, mais s’est retrouvé par hasard dans le secteur des manifestations. La même nuit, Abdel Benyahia, 20 ans, est tué à Pantin par un policier ivre, qui n’était pas en service. Un point commun lie Malik et Abdel : ils étaient tout d’eux d’origine algérienne. Du côté du ministère de l’Intérieur, on va tenter de minimiser l’affaire…