Formé à l’école hôtelière de Metz, le chef pâtissier Angelo Musa a gravi silencieusement les marches. De son cheminement hors du commun et des sommets ensuite atteints, il parle avec la fraîcheur d’un éternel découvreur. Après un stage chez le pâtissier messin Claude Bourguignon, son mentor, il multiplie les collaborations prestigieuses, crée sa société de conseil, décroche le titre de champion du monde de la pâtisserie puis de Meilleur ouvrier de France. En 2016, Angelo Musa succède à Christophe Michalak au Plaza Athénée, avant d’ouvrir une boutique à Londres et de faire rayonner le prestige de la table française à Dubaï.

Parmi les plus récentes collaborations d’Angelo Musa, celle avec l’emblématique et tonique Alexandre Keff, patron du domaine de la Klauss, à Montenach, dont le restaurant est venu étoffer en 2024 la collection des étoilés Michelin de la Moselle. Alexandre Keff a du nez, c’est connu, il a parrainé Angelo Musa dans le réseau mondial des ambassadeurs de Moselle, MOSL International. Né à Nancy, où il réside toujours, le chef pâtissier entretient avec Metz et la Moselle une même relation intime et forte : « J’ai quitté Nancy vers 18 ans pour des études à Metz, à l’école hôtelière Raymond-Mondon, puis pour le travail. Je suis ensuite parti de Lorraine, puis je suis revenu à Metz, pour retravailler à la pâtisserie Bourguignon pendant deux ans, et à Nancy pour me rapprocher de ma famille. En fait, j’ai fait le chemin dans les deux sens ». Un périple aux airs de chemin initiatique permanent, parsemé de prestigieuses destinations internationales. Aujourd’hui âgé de 54 ans, il partage sa vie entre Paris et sa mission de chef pâtissier du Plaza Athénée, et Dubaï où il supervise l’activité pâtisserie et boulangerie d’un réputé palace.
Une conversation avec Angelo Musa peut se résumer en une série d’hommages, à ceux qui l’ont aidé et accompagné sur la route du succès. Il n’oublie rien… sauf parfois son propre talent et sa force de caractère, que d’autres évoquent heureusement à sa place. Angelo Musa avance avec la reconnaissance et la fidélité chevillées au cœur. Il évoque son père, un entrepreneur en maçonnerie originaire d’Italie, qui lui a donné le goût du travail : « Pendant les vacances, mon frère et moi, quand on avait 14 ou 15 ans, il nous emmenait un jour sur deux pour l’aider sur les chantiers. Au début, c’était très dur. Mais je ne le remercierai jamais assez car cette période a été pour moi un vrai déclic pour le travail. J’étais impressionné par sa force, ça m’a vraiment ouvert l’esprit. Cela dit, j’avais déjà en moi la gastronomie ».

Un respect semblable déferle lorsque Angelo Musa évoque l’autre père, celui qui le fait entrer dans la carrière, dans la pâtisserie de haut vol, le Messin Claude Bourguignon qui lui demande un jour, alors qu’il fait un stage chez lui : « Quel âge avez-vous ? ». « Dix-neuf ans », répond Angelo. « Ouh là, maintenant, il faut aller travailler », réplique Claude Bourguignon. Angelo Musa, conscient qu’on démarre généralement plus jeune dans ce métier, raconte mot pour mot cette anecdote vieille de presque quarante ans. Claude Bourguignon le booste, le pousse à participer au concours Gastrolor – qu’il gagne – lui paie un stage chez Lenôtre et l’embauche finalement. Avant de devenir amis, une relation de maître à élève lie les deux hommes. « Claude Bourguignon a révélé quelque chose en moi, il a allumé une flamme. Chez lui, l’envie de me surpasser a grandi. Je retrouve d’ailleurs cette envie dans les marathons. Claude Bourguignon, c’est l’homme-clé de ma vie, un sacré personnage ».
D’autres rencontres et expériences ont précédé ou suivi l’époque Bourguignon, souvent sur des concours de circonstance. « Au début, j’ai fait les choses tout seul, pour me faire plaisir. Je suis ensuite entré à l’école à Metz et à l’issue des trois ans, avant de passer mon examen, j’ai eu un accident de moto qui m’a empêché de passer la pratique ». Il rebondit, empoche son CAP, effectue des stages. Après Bourguignon et l’armée, tout s’enchaîne très vite, Angelo Musa est recruté chez le pâtissier-traiteur Oberweis, à Luxembourg, où il rencontre Franck Michel, également champion du monde de la pâtisserie, qui deviendra le parrain de son fils. Direction Troyes ensuite, dans un autre repaire de grands talents, la Maison Pascal Caffet. Sacré champion du monde de la pâtisserie en 2003, puis Meilleur ouvrier de France dans la catégorie pâtissiers-confiseurs, en 2007, Angelo Musa crée sa société, Papilio conseil, en 2008. Déboule plus tard dans son histoire la star mondiale de la gastronomie, le célébrissime Alain Ducasse, qu’il croise un jour par hasard. Ducasse le rappelle, lui fait une offre. Il décline une fois, deux fois – pour des raisons personnelles et d’organisation familiale – puis accepte sa proposition de rencontrer le patron du Plaza Athénée. Dans ce palace, dont le seul nom fait rêver la planète du grand luxe, Angelo Musa officie depuis 2016 comme chef pâtissier. En 2022, il ouvre à Londres un salon de thé, puis en 2024 ajoute une corde moyen-orientale à son arc déjà très international, il chapeaute le secteur pâtisserie du palace The Lana à Dubaï. Entre-temps, et saisissant en 2021 les nouvelles opportunités d’un confinement inédit, il condamne son garage, crée un labo et fabrique des confitures, s’inspirant d’une autre rencontre, avec le maître-confiturier Jean-Paul Gaucher.
Observant sa carrière, Angelo Musa résume : « Il faut prendre le temps et se donner les moyens. Quand je raconte mon histoire à des jeunes, j’ai du mal moi-même à réaliser tout ça. En fait, ça s’est passé très vite ». Angelo Musa intervient trois fois par an dans une école en Italie et, plus qu’enseigner une technique, partage une leçon de vie, en commençant par ça : « Il y a trente ans, j’étais à votre place », un constat qui en dit long sur l’espoir et rappelle que tout est toujours possible. Angelo Musa cuisine du positif, avec la vanille, la modestie et la curiosité pour ingrédients premiers. À l’évocation de son nom devenu une marque, il répond avec la bonne humeur qui fait la force des grands chefs : « Ce que je veux, c’est que les gens disent simplement : ouah, c’est bon ! ». C’est plus que bon, maître !
