ÉDITO
« Méfions-nous des zozos cherchant à paraître et plaire à tout prix, dangereux pour la démocratie… »
Prendre le temps pour le perdre ! N’est-ce pas le plus doux bonheur de la pause estivale ? Aux confins de cette béatitude, je sentais une odeur de fin du monde, de rentrée des classes, le téléphone sonnait à nouveau, les chiffres réinvestissaient mon emploi du temps, d’abord pour un bref bilan des vacances : six livres sur sept restés dans la valise et un cubi de cinq litres aux trois quarts asséché. Ce parfum d’automne revenait aussi avec les devoirs (pas antinomiques avec les plaisirs), dont celui d’écrire ce que vous lisez présentement. Tout comme, enfant, je considérais gravement le premier jour de classe, courant vers la cour de récréation armé d’un million de bonnes intentions, il me fallait sculpter ce premier édito de la saison dans l’essentialité, décortiquer nos sérieux soucis, en déduire une priorité. L’entreprise se révèle ardue dans une société politique mimant le festival des priorités et dans un Palais Bourbon bruyant comme un concert de midis à ma porte. Rembobinez l’année d’élections passée, visionnez, souvenez-vous : chaque matin, une ixième « priorité des priorités » soudainement sanctuarisée afin d’escorter une émotion populaire ou étayer une stratégie politicienne. La définition d’une priorité – l’éducation, la sécurité, le pouvoir d’achat, etc – s’accorde généralement à une idéologie. Aujourd’hui, la hiérarchisation des actions (les nôtres, individuelles, celles des États, des collectivités, des entreprises) prend une dimension tragique. L’urgence loge au cœur de cet enjeu : sortir de nos cadres d’idées, quitter nos postures et définir la priorité d’action absolue, commune à tous, à l’évidence le sauvetage de la planète. Ou bien attendons-nous que l’eau cesse de couler sur nos éviers pour prendre en considération les alertes des scientifiques ? Gérardmer, l’un des spots merveilleux de la Lorraine aquatique et forestière, a dû cet été pomper dans son lac pour alimenter les habitants en eau. Le filet de nos robinets s’amincit, nous y sommes, la maison prend feu ! D’aucuns prennent la mesure du danger, s’adaptent et changent de comportement, d’autres continuent de rouler pied au plancher sur les sens giratoires, guidés par des biroutes affolées. « Gouverner, c’est choisir », disait Pierre Mendès-France. Avant d’être une figure respectée de notre histoire, PMF fut l’un des personnages politiques les plus détestés. Il nous laisse une certaine idée du courage et, malgré lui, ce conseil : méfions-nous des zozos cherchant à paraître et plaire à tout prix, dangereux pour la démocratie… et désormais pour l’air que l’on respire.