Guerres, menaces sur les démocraties, affrontements religieux, déplacements de populations, la planète est en effervescence et les opinions publiques s’interrogent. Au cœur de la désespérance, inondée de sentiments d’impuissance, une question nous taraude : les citoyens détiennent-ils encore un pouvoir ? Comme souvent, l’histoire dessine des réponses, d’abord individuelles, avec la poignée d’audacieux qui contribuèrent à bouleverser nos destins sur des gestes parfois anodins et des actes de résistance plus ou moins déterminants.
Ces audacieux, ce sont les cinq policiers nancéiens, dans la nuit du 18 au 19 juillet 1942, qui alertent une à une les familles juives qu’une rafle est programmée le lendemain. Ce sont les quatorze Mères de la place de Mai, le 30 avril 1977, qui se réunissent devant le palais présidentiel argentin, occupé par la junte militaire, pour réclamer la vérité sur leurs enfants disparus. C’est l’Iranienne Mitra Hejazipour, le 2 janvier 2020, qui retire son voile au cours d’un championnat du monde d’échecs.
Au-delà de l’individu et de sa conscience – et de son courage – quel est le pouvoir d’une foule, cet agrégat d’émotions et d’intérêts divers ? Peut-elle mettre sous pression les décideurs ? L’histoire dit oui. La foule, et son dérivé moderne et télévisuel, le talk-show(1), présentent toutefois le danger des amalgames et des raccourcis. Les échanges sur l’actuel conflit entre Israël et le Hamas révèlent souvent une méconnaissance de l’histoire de ce morceau de Proche-Orient. On fait l’impasse sur les sources de cette guerre, à explorer dès la fin du XIXe siècle, quand ces terres étaient habitées très majoritairement par des Arabes musulmans mais aussi des communautés chrétiennes et juives.
On peut toutefois résumer ce conflit, décrit comme le plus complexe de la planète, en une seule opposition : les hommes de guerre vs les hommes de paix. Posons-nous les questions. Quels sont les commanditaires, et avec quels objectifs, de l’assassinat en 1981 d’Anouar el-Sadate, président de l’Égypte, membre de la Ligue arabe, reconnaissant l’État d’Israël, et de l’assassinat d’Yitzhak Rabin, 14 ans plus tard, Premier ministre israélien, signataire avec Yasser Arafat des accords d’Oslo posant la base d’une autonomie de la Palestine ?
Des questions quasi identiques, visant des leaders arabes et israéliens, américains et européens, nous obsèdent aujourd’hui. S’activer, comme certains le font, à chauffer des stratégies politiciennes ou mercantiles sur le feu de ces théâtres de misère, relève de la folie. C’est ici que les consciences doivent s’éveiller et faire taire la rumeur des foules.
(1) Débat-spectacle