La mobilité transfrontalière n’est pas une préoccupation nouvelle. Tout au long de ces dernières années, d’innombrables aménagements et équipements ont vu le jour dans la région et au Luxembourg. Mais alors pourquoi est-ce toujours aussi compliqué de se déplacer ?
Force est de constater que les frontaliers galèrent visiblement plus aujourd’hui que hier. L’A 31 est saturée aux heures de pointe et les TER, bondés, multiplient les défaillances. Pourtant force est de constater que les décideurs ne restent pas les bras croisés. Les P&R fleurissent à Metz, à Thionville, au Luxembourg. De nouvelles lignes de bus sont entrées en service. Le cadencement des TER a été amélioré. Des pistes cyclables se construisent à la frontière. Des applications ont été développées pour favoriser le co-voiturage…Bref, il est faux de prétendre que rien ne se fait.
Alors pourquoi les frontaliers messins qui travaillent au Luxembourg consacrent-ils environ 3 heures par jour dans les allers-retours ?
Parce qu’il y a assurément eu un peu de retard à l’allumage en ce qui concerne la nécessité d’agir en faveur de la mobilité transfrontalière. Ensuite car le nombre de frontaliers ne cesse de progresser. Ils étaient 75 000 en 2010, 105 000 en 2020 et d’après les projections du Statec ou de l’Agence d’Urbanisme et de Développement Durable Lorraine Nord en France (AGAPE), ils seront près de 137 000 en 2030. L’Etat n’ayant pas pleinement appréhendé le fait transfrontalier et les enjeux, les stratégies à définir en collaboration avec l’Etat luxembourgeois, ne sont pas initiées même si le dialogue est noué. Ce sont donc la Région, les départements, les collectivités locales et les communes qui sont à la manœuvre avec des compétences, des priorités, des moyens et même des données qui diffèrent. Ce qui complique le déploiement de solutions intermodales efficientes car il faut s’entendre, composer avec d’autres réalités (il n’y a pas que les frontaliers qui se déplacent et le trafic fret n’est pas anodin !) et organiser les agendas pour que l’ensemble des services et équipements qui composent l’intermodalité soient opérationnels selon un timing cohérent. Et que les solutions disponibles soient simples, claires, pratiques…
Un exemple tout simple. Si demain, la capacité d’accueil des TER est doublée, cela ne signifie pas que deux fois plus de frontaliers vont se déplacer en train. Pour aller dans ce sens, il faut créer des parkings pour permettre à ceux qui ne vivent pas en face de la gare, de s’y rendre. Pour éviter que cela ne bouchonne sur les accès gare, il faut leur permettre de venir en bus. Mais il importe alors que les bus ne se retrouvent pas dans les bouchons, donc créer des voies dédiées qui vont empiéter sur la chaussée sinon… Bref, pas simple surtout qu’au fil du temps, les politiques en matière de mobilité sont également dictées par des considérations environnementales. La multiplication des véhicules électriques nécessite d’ailleurs de nouveaux ajustements en matière d’aménagements et d’infrastructures. Cette évolution pose aussi question puisque l’argument écolo qui pouvait faire pencher la balance en faveur du train a du plomb dans l’aile. Oui mais le TER est plus rapide ! De la gare de Metz à celle de Luxembourg, certainement, du domicile au lieu de travail, ce n’est pas encore le cas sinon la grande majorité des frontaliers ne se déplacerait pas en voiture.
Quelques lueurs d’espoir laissent à penser que la situation pourrait s’améliorer avec le temps. La SNCF promet que la fiabilité des TER va positivement évoluer. De multiples projets sont aussi dans les tuyaux : un projet de création d’un RER entre Metz et Luxembourg est portée par la Région et les collectivités locales, le dossier A31 bis (qui ne concerne pas uniquement les déplacements transfrontaliers) finira, peut-être, par aboutir à quelque… chose. Au-delà de l’équipement en lui-même, il serait d’ailleurs intéressant de savoir comment il sera valorisé. Dans le cadre de son Plan national de mobilité pour 2035 (PNM 2035), le Luxembourg annonce également de nouveaux équipements et aménagements qui concernent les trains, le tram, les routes et les pistes cyclables. Et puis la crise sanitaire a eu pour effet de faire évoluer les mœurs en ce qui concerne le télétravail. Attiser la mobilité en réduisant le nombre de déplacements, une idée qui tient plutôt bien la route, y compris sur le plan environnemental.