Née à Yaoundé, débarquée en Seine-Saint-Denis à l’âge de trois ans, puis à Metz à dix-huit ans, en 2001, l’ex handballeuse internationale et capitaine des Dragonnes Nina Kanto enchaîne les succès depuis vingt ans. Parmi ses titres, un statut d’ambassadrice de sa ville d’adoption : elle est de ceux qui façonnent et portent la face lumineuse de Metz. Vice-championne du monde, onze fois championne de France et huit fois vainqueur de la Coupe de la Ligue, elle dirige depuis dix mois le centre de formation de Metz Handball.
« C’est compliqué de la critiquer », admet le journaliste de l’Ami hebdo et chroniqueur en télé Rémi Alezine, « car tout le monde l’adore » (lire par ailleurs). Tâche ardue car Nina Kanto a de quoi faire effectivement rêver, et même adorer son personnage. Elle sait de surcroît prendre de vitesse la critique et ne minaude pas en courant derrière les commentaires. Elle donne le la. La méthode désarme, son rire sonore et contagieux finit de vous conquérir. Nina Kanto : « J’ai grandi en banlieue parisienne, dans le 93, et je suis arrivée à Metz pour le handball. J’avais reçu une proposition de l’entraîneur de l’époque pour intégrer Metz Handball, club le plus titré de France. J’avoue qu’en arrivant de Paris, la première année à Metz a été dépaysante, j’ai vécu une période d’adaptation. Mais au fur et à mesure, en tissant des relations et en me créant un réseau d’amis, je me suis rendue compte que s’il fait froid en Lorraine, les gens ont le cœur très chaud. En fait, quand vous entrez dans leur cœur, vous n’en sortez plus. Metz est une terre qui m’a beaucoup donné, c’est là que j’ai signé mon premier contrat professionnel, que j’ai rencontré l’homme de ma vie, mon mari, le père de mes enfants, c’est ici que j’ai gagné mes plus beaux titres. Je suis la petite fille de Yaoundé venue à Metz écrire son histoire ». Elle l’écrit avec la main de la handballeuse hors pair, alignant 214 sélections et 401 buts en équipe de France. Le handball, pourtant, ne fut à l’origine qu’un choix par défaut et par envie du collectif : « Je mentirais si je disais que, petite, je rêvais de devenir handballeuse professionnelle, je le suis devenue par hasard. J’ai commencé par l’athlétisme et le volley, je suis passée au hand parce que j’aimais bien être avec mes copines, on partait le week-end, on pique-niquait, c’était très convivial. En athlétisme, j’étais très performante, j’ai fait des stages en équipe de France mais le fait de gagner seule ne correspondait pas à ma personnalité, j’ai besoin de partager les choses. C’est aussi le côté africain, on a toujours besoin d’être en groupe ». Nina Kanto cultive les valeurs du groupe et célèbre les couleurs, un duo passionnel semblable au jour de son mariage, à Metz, avec Lionel Catoni, quand les percussions rythmaient la sortie de l’Hôtel de Ville et les costards à l’italienne se mêlaient aux atours éclatants du Cameroun. Mariage heureux également avec Metz Handball dont elle devient vite l’égérie et pivot. Jeux Olympiques à Pékin et Londres, championnat du monde, d’Europe, de France, coupes de France et de la Ligue, son palmarès est long comme un CV de ministre au bord de la retraite. Nina Kanto n’a pas bouclé sa carrière. Elle met fin à celle de joueuse en 2016, puis entraîne l’équipe de Montigny (Nationale 3) et revient en 2022 à Metz Handball pour diriger le centre de formation : « Cette proposition représentait un changement de rythme dans ma vie professionnelle et familiale, mais au fond de moi, je ressentais des papillons, j’ai donc accepté le challenge, Metz Handball est vraiment dans mon ADN, il y a un truc magique dans ce club. A ce poste, j’ai l’avantage de bien connaître le club, ses exigences, son fonctionnement et ses valeurs. Avoir été joueuse ici est un atout. Mais faire et faire faire n’est pas la même chose. De plus, les joueuses ont changé, c’est une autre génération. On ne les manage pas comme j’ai été managée à leur âge, avec un fonctionnement très descendant. C’est une génération qu’il faut inspirer, rendre actrice de son parcours, sans cesse nourrir et surprendre. Il y a vingt ans, je vivais des entraînements où ça ne changeait pas, il faut aujourd’hui apporter des nouveautés. C’est formidable car ça me stimule moi-même, ça m’oblige à me remettre en question, à trouver des idées, à créer. Je tente de développer quelque chose à mon image, avec l’humain au cœur de tout. La finalité, c’est bien sûr d’en faire des handballeuses professionnelles, voire internationales, mais ma mission c’est aussi d’en faire des bonnes citoyennes, car il y a le savoir-être, le savoir-vivre et le savoir-faire, dans cet ordre-là. Évoluer au plus haut niveau, c’est aussi savoir vivre dans un groupe, savoir être au service du groupe. Sans ces valeurs, la meilleure joueuse du monde n’existe pas ». Un pack d’ambitions et de valeurs que Nina Kanto ne réserve pas au hand, sa pratique de la création et de la gestion d’entreprises l’a conduite sur les mêmes repères. Après sa sortie des terrains en 2016, elle dirige le service commercial de Belgatrans Moving People puis elle crée en 2021 son auto-entreprise dans le coaching sportif, NK Sports Connexions, mise en veille pour prendre la direction du centre de formation. Elle la réveille quelquefois, reprenant sa casquette de conférencière pendant les périodes de congés, toujours équipée d’un même moteur, les valeurs qui nous rassemblent : « Où que l’on soit, il faut montrer que la bienveillance n’est pas incompatible avec la performance ».
Une Cheffe de meute
Nina Kanto observe les évolutions de la visibilité du sport féminin à travers les médias, sans se prendre le chou outre-mesure : « Ça avance un peu, pas assez vite à mon goût, mais ça avance… on est passé de rien du tout à un petit peu ». Dans ce registre, elle milite pour une approche locale et interne : « Les médias locaux nous aident beaucoup, on n’a pas trop à se plaindre, et en interne, le club développe les réseaux sociaux. Il ne faut pas forcément chercher à attraper des grosses chaînes, notre modèle économique n’est pas celui du foot ». Elle a table ouverte à Moselle TV qui, un jour de 2016, lui consacre une émission spéciale animée par Arnaud Caël. Sur le plateau, quelques-uns de ses amis et coéquipières livrent leur avis sur la star raccrochant les gants : « sensible, généreuse, authentique… », n’en jetez plus. Le président de Metz Handball, Thierry Weizman témoigne aussi : « Elle est une cheffe de meute, une grande communicante ». Le journaliste Rémi Alezine, devenu ami de la handballeuse, décrit la popularité et la puissance de l’image de Nina Kanto : « C’est impossible de dire une vacherie sur Nina Kanto. Quand j’émettais une critique, je savais que je me ferais découper le samedi suivant aux Arènes. Tu peux tailler tout le monde, tout le monde te dira que tu fais ton travail avec objectivité, sauf Nina Kanto. Elle est au-dessus de tout, c’est très compliqué de la critiquer ».