Meneur d’hommes et d’allure, le père spirituel des demi-fondeurs mosellans est arrivé à l’athlétisme alors qu’il entrait dans la vie d’adulte. Depuis son passage à la majorité au milieu des années 60, aucune de ses journées s’est effectuée loin de son sport et de ses protégés dont certains ont fini dans le gratin mondial de la discipline. Portrait.
Le rendez-vous était fixé une matinée de début décembre, alors que les premiers frimas hivernaux s’emparaient de la cité messine. Assis à une table du café de la rue du canal menant au stade Saint-Symphorien, Roland Simonet se réchauffe avec son sempiternel café court pendant qu’il épluche les nouvelles de la veille. Le septuagénaire a l’œil sur tout, et particulièrement sur ses poulains. Son téléphone sonne et les coups de fils s’enchainent aussi vite que les poignées de main avec les habitués qui viennent saluer « leur » Roland. Luc Berné, le maître des lieux en atteste : « Cet homme est une légende vivante ». Une mémoire aussi. Celle de l’athlétisme messin mais aussi national. Le natif du petit village de Kapplekinger, en Moselle-Est baigne dans ce sport depuis l’adolescence. C’est avec sa voix grave inimitable qu’il raconte : « J’habitais Pontpierre, un village près de Faulquemont. J’avais 18 ans et j’avais un copain Germain Ismer qui était perchiste à Saint-Avold. Je l’ai suivi. » Dans la foulée, vient alors le temps d’effectuer son service militaire. Ce sera Fribourg « une très belle ville ». En Forêt Noire, il se prend d’amour pour la course à pied et rappelle : « A l’époque, ce n’était pas bien vu de faire du sport, il valait mieux aider dans les champs. » De retour de dix-huit mois au sein du Régiment ferroviaire, il s’inscrit au club d’athlétisme de Saint-Avold où il est coaché par une pointure de l’époque René Moog : « Il prenait part à des matches internationaux où il côtoyait des mastodontes de l’Equipe de France comme Jean Wadoux ou encore Michel Jazy. »
De Masseret à Tahri
Sous ses ordres, le jeune Simonet gagne beaucoup. Et apprend à vitesse grand V « René était un grand frère pour moi, il m’a beaucoup enseigné en tant que coach. » Celui qui a côtoyé les Guy Drut et autres Jean-Claude Nallet au centre olympique de Vittel en 1968 poursuit : « Je mets encore en place des entrainements que j’ai vu avec lui, comme le fartlek en forêt. Il était un grand pédagogue, à la base de l’entrainement moderne avec le fractionné, les allures. »
A son retour à Metz en 1972, le bon athlète inter-régional, comme il se définit de manière modeste, revêt la tunique d’entraineur et l’explique facilement : « Je m’investissais de plus en plus aux entrainements avec les athlètes de Vittel. Je prenais goût à guider les athlètes. » Fraichement diplômé du CREPS de Nancy, Roland Simonet prodigue ses premiers conseils à un certain Jean-Pierre Masseret. C’est l’époque du SMEC, du plein emploi mais aussi du marathonien Masseret qui pousse le record personnel à 2h24 : « Il a privilégié la politique sinon il avait les 2h15 dans les pattes. »
L’ancien Président du Conseil Régional de Lorraine figure comme la première pépite qui soit passée sous les ordres avisés du coach Simonet. Il ne le savait pas encore mais une longue liste, dont Bob Tahri en tête de gondole, allait s’enclencher pour celui qui traverse les époques comme on traverse un passage clouté dans les grandes métropoles : avec détermination et grande attention. Cette carrière de technicien, il l’a mené en binôme avec Chantal, sa femme avec qui il s’est marié à l’âge de 27 ans. Elle s’en est allée il y a deux ans, mais pour toujours dans les mémoires de celles et ceux qui l’ont côtoyé au club. Roland Simonet concède sur l’Amour de sa vie : « Elle connaissait l’athlétisme mieux que moi. Chantal était une véritable passionnée, une bible. »
L’Humain pour philosophie
Laurent Léger, coaché dans les décennies 80 et 90 par coach Simonet se souvient : « Il n’y avait jamais l’un sans l’autre. » Celui qui est dorénavant responsable de l’école du marathon de Metz continue de manière affectueuse : « Je l’ai connu en 1984 lors d’un 25 kilomètres à Marly pour l’inauguration du stade Delaître. Il me voit et me demande mon âge. J’avais alors 15 ans. Et il me dit « Ouais l’athlétisme ce n’est pas cela, l’athlé c’est le cross l’hiver et la piste l’été. Rendez-vous mardi 18h au stade Dezavelle ». Cette phrase et ce moment résonne encore en moi. »
C’est un fait. Passer sous sa houlette marque. Toujours dans le bon sens. Il suffit de sonder d’autres protégés comme David Maurice, champion de France Master sur 1 500 mètres ou encore Théodore Klein, 1er français au championnat du monde de course en montagne cette année. Une phrase commune revient à coup sûr : « C’est comme un deuxième père pour moi. » Maurice, 51 ans, l’a connu alors qu’il n’était qu’adolescent. Le demi-fondeur se remémore : « Il m’a apporté des chronos et une philosophie de vie. » Celle de placer l’Humain au cœur des choses : « Il faut savoir composer, reculer puis avancer », confie l’orfèvre de l’athlétisme messin qui vient de passer un demi-siècle à polir ses joyaux.