Confrontée aux émeutes et aux pillages, la France s’inquiète et s’interroge. À l’instar de la Moselle, ce sont souvent les sites et symboles d’une autorité publique que les casseurs ont ciblés, mais aussi des commerces, probablement pour alimenter des trafics. Quelles explications et quelles réponses apporter à ces faits ? Il semble d’abord qu’un temps de réflexion s’impose avant d’esquisser une réplique. Parce que la situation se révèle grave et complexe, qu’elle ne s’explique pas par une seule cause, elle requiert la méfiance à l’égard de tout propos à l’emporte-pièce ou de toute réaction malveillante. Inutile de citer les noms des vendeurs de simplisme et souffleurs de braise, nous les avons identifiés, le temps les jugera, j’espère sévèrement.
Distinguons ensuite l’allumette de l’alibi. La mort d’un jeune homme, dans les conditions que l’on sait, nous blesse tous et nous souffrons avec sa famille. Mais sa mort n’en fait pas, de facto, un héros, pas plus que le geste meurtrier d’un policier ne signe la politique d’un ministère de l’Intérieur. La mort de ce jeune homme constitue l’étincelle allumant les émeutes, et non la source et l’influence des émeutiers. Elle est un prétexte au déferlement de bandes agissant face aux représentants de la République comme s’ils formaient une bande rivale.
Cette crise, ajoutée à d’autres, pose de multiples questions. Nous y répondrons justement dans un échange apaisé, sans tabou, préjugé ni posture ; une sorte de quadrature du cercle, j’en conviens, au regard du débat surexcité et sous surveillance continue des chaînes d’infos et des réseaux sociaux. Il est anormal que nous ne puissions plus poser sur la table certaines problématiques – par exemple la puissance des trafiquants de drogue, les modes d’éducation abjurant l’autorité ou la pression croissante et inquiétante des religions sur le champ politique – sans risquer la mise en accusation par une nouvelle engeance de procureurs : lobbyistes et communautaristes.
Posons-nous aussi les questions de prime abord anodines, parce qu’elles renferment des comportements devenus naturels : sur la culture de la violence, secrétant un poison qui infiltre la télévision ou les jeux ; ou sur la dématérialisation à outrance des services, corollaire du tout-privatisé, défigurant la substance même de nos existences faites de contacts humains.
Positivons tout de même et laissons-nous aller à l’espoir : nous faisons face à un chantier de reconstruction sans doute passionnant. La France dispose des artisans pour l’accomplir, entrepreneurs, professeurs, chercheurs, penseurs… Reste à embaucher les plus opérants et les plus brillants, pas forcément les plus bruyants.