Illusions, chimères & bizarreries, le titre de l’exposition d’Élisabeth Neumuller en dit beaucoup et pas assez en même temps. Entre excès, merveilleux et fragilités, ses sculptures invitent à faire dialoguer paillettes et condition humaine au Musée de la Cour d’Or.
18 sculptures à taille humaine, autant de personnages baroques aux allures fantasques qui semblent surgir qui de l’univers circassien, qui d’une fantasmagorie de carnaval, qui de l’histoire – la grande comme la petite, qui de la littérature, du théâtre ou de la musique. Autant d’allégories, de représentations de la fiction populaire qui jouent de leur rôle d’attractions avant de révéler sous l’extraordinaire de simples dimensions de la vie. Et de parler d’égal à égal avec le visiteur, partagé entre émerveillement et interrogations.
« C’est une forme de divertissement métaphysique forain, explique l’artiste. Je ne suis animée que par l’envie de raconter la vie des gens à travers le langage plastique. Je m’intéresse à ce que chacun fait de sa propre vie et à ce que la société fait des êtres humains. C’est forcément lié à une esthétique. Mais l’esthétique pure, détachée d’un propos, n’est pas ma préoccupation principale. Je me sens plus proche des philosophes. »
C’est la première fois qu’Élisabeth Neumuller expose dans une institution. Elle y présente le fruit d’une dizaine d’années de réflexion et de travail, depuis son retour en pays messin. Après les arts déco, les arts plastiques, puis un joli parcours au théâtre et à l’opéra où elle a touché à la scénographie, aux costumes, aux décors… Une boucle en quelque sorte, presque existentielle pour celle qui s’est découverte plus rebelle qu’elle n’imaginait. Presque punk dans l’esprit d’origine, celui qui cherchait à retrouver l’essence des choses en bousculant l’ordre établi faute d’y trouver sa place. « Si je n’avais pas l’art, pas seulement comme pratique mais comme univers d’exploration, je serais une loque. Je dialogue en permanence avec des personnages de théâtre, de littérature, la musique. Ils sont des aides, des points de repère, une consolation parfois. »
Elle a fini par faire vivre les siens, après 3 à 6 mois de tête à tête avec l’idée initiale, sinon de corps à corps. Car elle a voulu tout désapprendre pour mieux réinventer. Avec toujours cette idée de dialogue qui fait sens dans un luxe de détails. « J’aime bien faire des liens entre passé et monde d’aujourd’hui, littérature, théâtre musique et vie quotidienne. Et que des choses qui ne doivent pas se rencontrer se rencontrent. Ces personnages sont construits de pleins d’éléments composites, jusqu’à faire fusionner ensemble des choses antinomiques : le fantaisiste avec le grave, le passé avec le contemporain, le doux avec le violent, le savant avec le populaire. Jusqu’à trouver une forme. De sorte que le visiteur, qu’il soit cultivé ou pas, trouve un accès ; qu’un aspect du personnage parvienne à lui parler. Une fois la porte ouverte, plein d’information secondaires se révèlent. »
Les références à l’art forain y sont multiples. On y jongle avec des couteaux, avec des verres ou des poissons comme cette évocation du carnaval de Dunkerque. Mais on y croise aussi Shakespeare, Goethe ou d’autres. Le sideshow est multiple. Telle cette reine qui renvoie au mouvement punk justement, avec cette robe élisabéthaine que pourrait aujourd’hui revendiquer Vivienne Westwood, la célèbre styliste qui a débuté en créant les oripeaux punks.
De même, il ne faut pas s’arrêter aux paillettes, aux fanfreluches, à cet aspect extérieur qui peut paraître superficiel, flirtant avec le kitch, frisant le mauvais goût. Les regards sont moins figés qu’il n’y paraît. Déterminés même s’ils ne savent pas forcément où est leur place, ces personnages sont animés d’une flamme. Celle de leur différence. « Je donne juste à voir des gens bizarres. À chacun de comprendre comment il les reçoit. En s’en moquant ou en leur trouvant des des points communs avec soi. »
Jusqu’au 19 septembre 2022