Combatif et inventif, le président de la Fédération mosellane du BTP (Bâtiments et travaux publics), Pierre Schaeffer, pointe une situation en demi-teinte. Si l’esprit d’innovation ne s’essouffle pas et les difficultés liées à la pénurie de matériaux s’éloignent, ça pique encore sur quelques sujets, des inquiétudes presque traditionnelles : recherche de main d’œuvre, lourdeurs administratives ou marché du logement en régression. Né à Meisenthal, dans le pays de Bitche, repreneur de l’entreprise de chauffage et climatisation créée par son père en 1949, Pierre Schaeffer, « fervent partisan de l’apprentissage », martèle l’idée d’un secteur synonyme d’avenir, avec des « métiers valorisants et bien payés ».
Sur tous les fronts. La fédération du BTP Moselle, parmi les dix plus importantes de France, représente 1 200 entreprises de toutes tailles, comptant en moyenne huit salariés. Pilotée par Pierre Schaeffer depuis 2018 – il a été réélu président à l’unanimité et à bulletin secret pour un troisième mandat, le 7 mars dernier – la « fédé » ne manque pas une occasion de faire parler d’elle. Une communication offensive répondant à des enjeux majeurs, dont la formation et le recrutement.
Cible principale de ces opérations de séduction : les jeunes, dès le collège, avec un message à plusieurs détentes dont la grande variété des métiers du BTP, intellectuels et manuels. Pierre Schaeffer : « On a tendance à dire que le BTP, ce ne sont que des métiers manuels mais avant que la main agisse il faut réfléchir. Le BTP, c’est vraiment un mixte des deux. On oublie qu’il y a tous les métiers de l’encadrement, avec les suivis de chantier, ainsi que la gestion des sociétés par les chefs d’entreprise. Ce qui réunit tous les collaborateurs et tous les métiers, c’est que ce sont des femmes et des hommes de terrain ».
Parmi les dernières incursions dans le monde scolaire, un forum à Réding, « Ton métier, ton avenir », ou « Les coulisses du bâtiment », ouvrant à 1 500 collégiens les portes de trois chantiers, à Metz, Sarreguemines et Sarrebourg. Plus large, touchant aussi les travailleurs en quête de reconversion et le grand public, la fédération initiait en décembre 2023 une originale adaptation du calendrier de l’Avent : « Le calendrier des métiers méconnus, dévoilant chaque jour un métier unique, offrant un aperçu fascinant de l’envers du décor de professions souvent négligées par des candidats à la formation ou à l’emploi. L’objectif est de sensibiliser le public à la diversité des métiers qui contribuent de manière cruciale à notre quotidien mais restent souvent dans l’ombre ».
Dans un registre plus interne et fidèle à l’esprit convivial que défendent Pierre Schaeffer et son équipe, Les ApérosBat’, histoire de faire « décrocher de leur journée de travail les artisans, entrepreneurs et partenaires de la profession ». Un à-côté cool qui n’entame pas, peut-être au contraire, le besoin et la nécessité d’être perpétuellement en mouvement, en mode proactif.
De lourds dossiers recouvrent le bureau de Pierre Schaeffer : « L’équipe de la fédération, composée de 12 salariés, mène de nombreuses actions. La première de celle-ci est d’être à la disposition de nos entreprises, à travers nos différents services, par exemple les services juridique, technique et métiers et développement et communication, car nous avons pas mal de problèmes sur ce point, des problèmes rencontrés au quotidien par les entreprises. Nous les conseillons et leur donnons des directives sur cet aspect. La fédération abrite aussi un service formation ». Deux CFA – Centres de formation d’apprentis basés à Montigny-lès-Metz et à Sarreguemines ayant bénéficié d’un investissement respectif de 13 millions d’euros et de 2 millions d’euros – également présidés par Pierre Schaeffer, complètent le dispositif formation avec 80 salariés (lire par ailleurs).
Dans le jeu de la fédération, la carte lobbyiste n’est pas la moindre, pour monter au créneau et se faire entendre, sur des propositions et principalement des sujets d’inquiétude. Pierre Schaeffer lâche un rire – sans doute nerveux – quand déboule la question des tracas administratifs : « Tous les gouvernements disent vouloir simplifier et malheureusement ils ne font qu’ajouter des normes aux normes. Mais il faut rappeler l’évidence : l’enjeu principal, c’est d’avoir des marchés. Et pour avoir des marchés, il faut des projets, or ils sont en baisse. Là où le bât blesse – et je pense particulièrement aux entreprises spécialisées uniquement dans ce domaine – c’est le logement, individuel et collectif. Les permis sont en baisse alors que la priorité de chaque gouvernement devrait être l’habitat, pour permettre à chacun de se loger décemment ». Si le secteur a accumulé les mauvais coups, notamment les crises dues au Covid, à la hausse des tarifs des énergies et à la pénurie de matériaux, le moral reste bon. Pierre Schaeffer l’assure : « Il faut être optimiste. On a tous tendance un peu à se plaindre. Malgré le climat général, il faut continuer à espérer car les ouvrages futurs à réaliser ne manqueront pas ».
Un état d’esprit sans doute pas étranger à son parcours, sportif – jadis champion d’Alsace (UGSEL) du 100 mètres chez les cadets – et baignant depuis l’enfance dans un monde d’entrepreneurs. Après l’école à Meisenthal et le collège Saint-Etienne à Strasbourg, il entre au lycée technique de la Meinau, « pour nous, Strasbourg était plus proche que Metz ».
En 1949, son père crée l’entreprise de sanitaire, couverture, chauffage, à Meisenthal, orientée vers le particulier. C’est à l’âge de 26 ans que Pierre Schaeffer la reprend, la développe « grâce à l’apprentissage », l’étoffe de 7 à 40 salariés et la dirige vers des activités destinées davantage à l’industrie et aux collectivités. En 2011, il vend Schaeffer & Cie au groupe Dorkel, pour lequel il continue de travailler. On ne se refait pas ! Si le travail, c’est la santé, Pierre Schaeffer tient la forme, entre ses activités – « bénévoles », précise-t-il – de président de la fédération et président des CFA, ainsi que de président des juges consulaires de Sarreguemines, fier d’y « sauver des emplois ». Il puise également son optimisme dans un constat, sur les relations humaines dans l’entreprise : « Il faut dialoguer. Quand vous prenez une décision, il faut l’expliquer, et après il faut fédérer. Les salariés préfèrent toujours un chef d’entreprise sérieux, avec une ligne de conduite et une vision, plutôt qu’un type sympa qui fout la boîte en l’air. Il faut toujours tenir le langage de la vérité ».
Un CFA « au top du top »

Les éloges à un secteur innovant, les discours sur les métiers valorisants, ou sur les offres nombreuses et les salaires meilleurs, ne suffisent pas, les professionnels du bâtiment le savent et dès 1974 passent des discours aux actes et créent le Centre de formation des apprentis (CFA) de Montigny-lès-Metz, aujourd’hui au « top du top », dixit Pierre Schaeffer. Ce CFA accueille 1 100 apprentis disposant sur place de nombreux services et espaces de vie étudiante. Objectif : offrir les meilleures conditions d’apprentissage à des jeunes, à partir de la sortie de la 3e, pas toujours conscients de l’énorme potentiel. Sur le site de Montigny-lès-Metz, qui investit chaque année 500 000 euros nouveaux en matériels, la palette de formation est large : génie climatique, thermique et sanitaire, aménagement et finition, métiers du bois, métal, gros œuvre et travaux publics, auxquels s’ajoutent les formations du CFA de Sarreguemines (chauffage, peinture, plâtrier-plaquiste, carreleur mosaïste…), ouverte en 2020. Une autre antenne devrait prochainement éclore à Sarrebourg. 36 diplômes sont délivrés, sur différents niveaux, CAP, BEP, Bac pro, BTS, avec des connexions aux écoles d’ingénieurs, assurant aux apprentis, « à 95% », la garantie de trouver un emploi immédiat.