ÉDITO
« La démocratie est un mauvais système mais elle est le moins mauvais de tous ».
Ixième débat agitant la France, il oppose les apôtres du « c’était mieux avant » aux avocats du « ça ira mieux demain ». Entre les deux, chantre du présent du subjectif et du futur intérieur, un groupuscule tente d’avoir voix au chapitre. Inutile de chercher la vérité sur l’île ou l’une des rives, elle fuit et se déverse chez les uns et les autres, selon qu’on parle d’industrie, d’éducation, de liberté, de nombre d’épiceries au kilomètre carré ou de largeur des fauteuils dans les TER. Un point donne toutefois raison aux premiers, me semble-t-il : l’humour et les mots d’esprit désertent un monde politique désormais tristement sérieux. « Les gens qui ne rient jamais ne sont pas des gens sérieux », écrivait Alphonse Allais et il avait foutrement raison. La vacherie même pas drôle, ou l’excès de langage au seul but de remonter en haut des pages des moteurs de recherche, devient la règle. Exit les sagaces et succulents Clémenceau, Churchill et parenté. Winston Churchill, sensible à la souffrance endurée par les Messins et les Lorrains, vient à Metz le 14 juillet 1946. Atterrissant à Frescaty, le Premier ministre britannique entame un programme chargé avec une étape sur le balcon de l’hôtel de ville. Il entame son discours : « Prenez garde, je vais vous parler en français ! ». Churchill a produit des tonnes de commentaires que l’histoire a recyclés en maximes, mariages de l’habileté, de la bouffonnerie et de la lucidité, comme celle-ci : « Les chiens nous regardent avec vénération, les chats nous toisent avec dédain, seuls les cochons nous considèrent comme des égaux ». Ou celle-ci, habillant notre époque et nos doutes : « La démocratie est un mauvais système mais elle est le moins mauvais de tous ». Georges Clémenceau décochait avec la même dextérité. « Donnez-moi quarante trous du cul et je vous fais une Académie Française », s’amusait-il, propos applicable à d’autres institutions. Le Père la Victoire montrait peu de pitié et discourait avec une sincérité cinglante, parfois sanglante, offrant à la postérité un dictionnaire de joyeusetés à l’usage de ceux qui veulent se débarrasser de leurs relations encombrantes. A son décès, l’émotion est vive en France, les drapeaux en berne… et l’on oublia presque l’une de ses dernières volontés : « Je ne veux à mes obsèques que le strict nécessaire, c’est à dire moi ». Aujourd’hui, on s’ennuie, les rares désopilances ne servent même plus notre besoin vital de se marrer, elles ne sont que les fruits de l’aléa : la gaffe. Les bretteurs ont cédé la place aux bredouilleurs.