Cela fait bientôt 25 ans que l’auteur-compositeur-interprète lorrain Emanuel Bémer chemine sur le terrain de la chanson avec autant de sérieux que de fantaisie. Sa quête de sens l’a mené l’an passé à aborder la chanson pour enfants, avec l’album et le spectacle Le Pompon.
L’idée d’écrire pour les jeunes publics trottait dans la tête d’Emanuel Bémer depuis pas mal d’années. Lorsqu’à 17 ans il visionne un documentaire sur Arte sur Peter Pan et son auteur JM Barrie. «Nourri jeune par le Renaud des Mistral ou du Sirop de la rue, je me suis toujours demandé pourquoi il y avait toujours une rupture entre l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte, et pourquoi ce n’est jamais considéré sous l’angle de la fluidité. »
Faut-il pour autant considérer son parcours sous cet angle ? Lui dont les parents ont insisté pour qu’il apprenne la musique, autant pour « développer mes synapses et ma sensibilité que pour canaliser mon énergie. » La flûte donc, puis le saxophone et dix ans de solfège. Un premier groupe de rock à l’adolescence qui anime les coins de Pange, pour que ce Jim Morrisson local s’essaye au chant.
Jusqu’à ce que sa future femme, au moment où il démarre sa vie professionnelle dans un espace multimédias, lui laisse entendre qu’il pouvait peut-être prétendre à une carrière d’auteur-compositeur-interprète. Sacré challenge pour celui qui s’immergeait alors dans les univers de Gainsbourg ou Bashung.
Premières compositions enregistrées à la maison sur un 4 pistes, histoire de se tester. C’est à Paris qu’il ira s’affûter à 25 ans, à l’école des café-concerts, celle de l’humilité. L’amorce d’un parcours du combattant. Même si plusieurs expériences sont autant d’encouragements. Comme l’ invitation le jour de ses 27 ans à l’émission de Philippe Meyer sur France Inter ; lequel le soutiendra durablement. Premières parties (Higelin,…), amitiés (La Rue Ketanou/Mon Côté Punk), Prix Sacem Zebrock, et plusieurs enregistrements, autoproduits puis distribués ; il a aujourd’hui 5 albums à son actif.
En 2012 il crée le spectacle L’impossible anthologie de la chanson française, si bien accueilli qu’il le mènera sur une scène off du festival d’Avignon. Une façon de répondre avec un soupçon de provocation jubilatoire à une question qui le taraude « La chanson française a-t-elle vocation à le rester ? » et de conforter sa capacité à « apporter de la cohérence dans des éléments disparates et les mettre en perspective. » En mesurant celle de marier les dimensions de la musique et du théâtre. « Le second multiplie le champ des possibles à l’infini. »
De quoi nourrir la même envie à destination des jeunes publics
Mais il lui a fallu attendre. D’avoir la certitude de ne pas faire de la chanson pour enfants pour les mauvaises raisons – son modèle économique serait plus enviable. Et surtout de gagner en maturité d’écriture « pour ne pas prendre les enfants pour des truffes. » À l’image de chanteurs tels Aldebert pour qui il a ouvert, ou Pascal Parisot.
Le déclic ? Lorsqu’il accompagne son second enfant au manège. Observant avec malice que la notion de pompon et son jeu de compétition parfois nourri par l’hystérie parentale n’avait pas changée d’un iota. Avec des « dommages collatéraux dignes du capitalisme. » Une vision quasi politique des interférences avec l’enfance. Non sans lien avec les paroles d’Albert Dupontel à ce sujet : « Les enfants sont des génies, puis après ils vont à l’école. »
Ce pompon, Emanuel en a donc déroulé le fil. Manipulant toutes les occurrences du mot – on l’a souvent comparé à Bobby Lapointe pour son appétence pour les jeux de langage. S’attachant au pouvoir des rimes sur un enfant, comme celui des mélodies. Avec la structure d’un spectacle en guise de fil conducteur, entre intermèdes parlés et comptines qui donnent à réfléchir. Dont l’album, fidèle reflet, reçoit un bel accueil. Qu’Emanuel apprécie même s’il se méfie du consensus comme de la peste.
Cet univers mis en scène, coproduit par le Festival Nancy Jazz Pulsations et le Gueulard Plus, il l’emmène partout depuis un an pour le conjuguer avec sa quête de sens. En citant Barbara. « le public est un enfant que l’on prend par la main.»
Le Pompon :
Le 18 janvier au Théâtre de Thionville
Les 13-14 février au Théâtre de Lunéville
Le 11 mars au Théâtre des Sources de Tomblaine,
Les 3-4 juin aux Trinitaires à Metz