« La foule n’est pas le peuple mais elle incarne sa part de bouillonnement. »
Vous souvenez-vous de la Marinette de Brassens ? « Avec mon p’tit vélo, j’avais l’air d’un con… » et cetera. Observant les manifestations de soutien au peuple ukrainien, à Metz et ailleurs, la rengaine me revient en tête. Ai-je l’air d’un con avec ma petite pancarte « Non à la guerre » ? D’un con, sûrement pas. D’un idéaliste, il faut voir. Il reste à savoir de quelle guerre on parle. De celle que les Russes infligent à l’Ukraine ? De celle qu’une partie des Européens et Nord-Américains réclame pour contrer Poutine ? Car se concentrent essentiellement sur ces deux continents les demandeurs d’une riposte. Ailleurs, les réactions balancent entre la condamnation symbolique, le non-dit et, plus rarement, le soutien à la Russie. Ne cherchez pas ici une analyse stratégique, un tel exposé requiert une parfaite connaissance des enjeux et d’abord de l’histoire, commune et respective, des deux pays en conflit. Mais alors, ne faut-il s’exprimer que lorsqu’on maîtrise le sujet ? Ces citoyens battant le pavé, militants de la paix ou de la guerre (qui conditionne parfois la paix), m’inspirent du respect. Souvent simplement tenaillés par une affliction sincère et une réelle générosité, ils descendent dans la rue et s’indignent. Imaginons un monde sans eux : société imperturbable, triste, fade et froide, fatalement en déclin. Revisitons, c’est éclairant, l’histoire des foules et des revendications populaires dans notre roman national. La foule mène au chaos et au crime, comme à la lumière et au progrès. Elle interpelle, réveille et maintient sous l’éclairage et l’attention les faits les plus sombres. La foule n’est pas le peuple mais elle incarne sa part de bouillonnement. Parfois agaçante et inutile mais terriblement indispensable. Elle figure une forme de terreur pour tout pouvoir oppresseur. Confortablement installé face à l’ordinateur, un café chaud sur ma gauche, le chat sur ma droite, la radio en sourdine qui émet le jazz d’un Américain dont j’oublie le nom, il me vient à l’esprit que je devrais la boucler, ne pas en rajouter dans l’emphase et ne point oublier, parmi les indignés, les Russes opposants à la guerre de Poutine et évidemment les Ukrainiens. Avant de la boucler définitivement, je livre une question à ceux qui doutent perpétuellement de l’Union Européenne. N’est-elle pas en train de négocier un virage historique, en sortant d’une longue période de résignation face aux conflits qui bordent ses frontières ? Avec mon revolver, je n’ai plus l’air d’un con, ma mère…