Cela fait quatre décennies qu’il a marque de son empreinte la scène musicale régionale. Dom Colmé revient avec un nouvel album, Cheap Road Movie. Où la tendre élégance de sa chanson distillant des accents américains s’ouvre de nouveaux horizons.
Depuis la fin du siècle dernier et le parcours alors entrepris en solo, Dom Colmé se définit comme « un chanteur qui avance », déclinant à l’envi un même leitmotiv : « comment apporter la coolitude de la musique américaine dans la chanson française. » Un territoire esthétique qu’il arpente avec quelques repères, Higelin, les « belles guitares folk de Cabrel », le sens de l’harmonie de Voulzy, la collaboration entre Djian et Stephan Eicher… Davantage des affinités électives que de véritables influences.
L’ancien leader de Salomé, groupe mené avec son compère Stéphane Glanois qui a écumé les scènes de France et d’ailleurs, est un artiste qui mesure la chance de faire ce métier, envisagé comme un artisanat qu’il rapproche du travail de Cassavetes pour le cinéma. Mais s’il affiche beaucoup de concerts au compteur, il reste conscient des sacrifices liés à l’indépendance. « Elle est subie plus que choisie, la liberté est un luxe qui me coûte cher. »
On avait laissé le chanteur-guitariste en 2018 avec son cinquième disque Dans les cordes qui inaugurait une collaboration avec Marie Demesnay pour les textes de quelques titres. « Un diamant brut dont le talent d’auteur est né sous mes yeux, capable de magnifiques fulgurances. » Cette enseignante de formation littéraire a plus d’une corde à son arc puisque, au-delà de la poésie, elle est aussi traductrice, photographe, performeuse, modèle… Ce sont ses collages qui illustrent la pochette du nouvel album – ces autres déclinaisons de leur collaboration onirique feront même l’objet d’une exposition lors du concert présentant le nouvel album à l’Aérogare, sur 3 scènes avec 3 formules, 3 ambiances différentes déroulées sur la soirée.
Une collaboration aussi singulière qu’inédite pour Dom Colmé, qui accompagne le virage que représente Cheap Road Movie dans le parcours du chanteur, dans sa manière de travailler comme dans le casting des musiciens pour le réaliser.
Le confinement est passé par là. Et la perte de deux amis et comparses musiciens (le batteur Gonzo et Mr Ti). « L’histoire t’impose des choses à vivre. J’ai dû me recentrer sur ma conscience musicale. Ce que l’ai perdu en amitiés, je l’ai gagné en cohérence artistique, en responsabilité. J’ai dû repartir de tout en bas. »
S’il s’est entouré pour l’occasion du batteur Franck Marco (Innocents, Camille Bazbaz…), du bassiste Anthony La Rosa (Manu Dibango, Isabelle Boulay…), a bénéficié des cordes conçues par Sarah Horneber et du regard attentif d’un autre fidèle, Jean Roch Waro, Dom Colmé a conçu l’album de manière différente qu’à l’accoutumée. À partir des textes de Marie, écrits en direct dans un travail en duo, les chants ont été enregistrés avant la musique. « Je voulais partir du dépouillement, de la substantifique moelle, pour dénicher l’émotion pure de chaque chanson. Et l’habiller ensuite. »
Particularité, Cheap Road Movie est un album conceptuel. « Toutes les chansons ont été faites dans l’ordre du synopsis. » L’histoire d’une rencontre et d’une cavale amoureuse. Qui se finit mal, forcément. Avec des mots d’une touchante évidence, compagnons d’une autre poésie, musicale cette fois. De ballades (Voiture numéro 20 ou la désarmante La tendresse) en bonbons soul (Doune), d’accents chaloupés (Comme un lapin) ou funky (Be my lobster) en moments introspectifs (L’esprit de l’escalier), l’album déroule sa trajectoire tout en douceur, ménageant des havres accueillants. Tel un cocon où l’auditeur viendrait se lover pour mieux dissiper les souvenirs des moments sombres traversés.
En adéquation avec la philosophie de Dom Colmé qui voit l’utilité de son artisanat dans « le pouvoir de faire traverser à sec les gens dans une modeste barque par mauvais temps. J’ai cette chance d’agir comme un magicien avec presque rien, capable de les faire s’envoler. Ma force est là. »
Le 16 mars l’Aérogare (Metz)